Chers fans de World of Warcraft et chers fans de Duncan Jones, préparez vos haches et vos torches, il est temps de rétablir la justice dans ce bas monde. 3ème film du réalisateur du chef-d’œuvre que fut Moon et du bon film bien divertissant qu’a été Source Code, Warcraft a suscité beaucoup de questions avant sa sortie. Coup de pub pour le jeu ? Hollywood qui surfe sur le succès d’une licence pour se faire encore et toujours plus de fric ? Ou véritable œuvre personnelle de la part du fils de David Bowie ? Mmmmh… Les réponses à ces questions seront-elles vraiment étonnantes…? De légers spoilers sont à prévoir, mais rien de très important.
Le monde des humains et le monde des orques mènent une guerre sans merci pour la survie de leur peuple. Nous suivrons deux héros, chacun appartenant à une race adverse, se battant pour la survie de leur peuple et de leur famille.
Commençons par les points positifs. Tout d’abord, la retranscription du monde de World of Warcraft, Hurlevent, par exemple, est très bien faite et plutôt cohérente. La grande ville est très agréable à regarder, du moins, de loin. Car oui, on n’aura jamais de plan des quartiers avec les personnages s’y promenant, ou quoi que ce soit, c’est assez dommage. En fait, les actions sont très souvent intérieures, ou alors, dans des zones ouvertes ou des forêts. Du coup, à part les grands monuments, on a rarement l’occasion de voir des petites zones du jeu qu’on connait. A cause de cela, on ne voit pas du tout d’habitants du royaume, ce qui a pour conséquences que la guerre perd en enjeux, parce que le spectateur ne se rend pas compte des ravages que ça pourrait provoquer dans la grande ville. Évidemment, puisqu’on ne se rend pas compte du nombre d’habitants.
Sans compter certains moments, les effets spéciaux sont en général vraiment très bons, surtout au niveau des orques et de la magie. Après, c’est sûr qu’on ne peut pas s’empêcher de grincer des dents lorsqu’on jette un coup d’œil sur les petits détails de la ville lors des plans d’ensemble sur Hurlevent par exemple. Tout n’est pas réaliste à 100%, on sent quelques fois les fonds verts, et les acteurs ont parfois du mal quand ils en viennent à se battre contre des ennemis invisibles, mais ce sont des légers détails insignifiants si on regarde le film comme on voudrait qu’on le regarde, c’est-à-dire, toujours regarder les personnages importants et les monuments des villes lors des plans d’ensemble.
Comme on pourrait le deviner, la bande-son est très agréable et colle plutôt bien à l’action et à l’ambiance du film. Bien sûr, on ne pourra pas éviter les violons lors des scènes tristes, mais c’est Hollywood, que voulez-vous, il ne faut pas trop en demander non plus. Certains moments rappellent vraiment les musiques du jeu, et on pourrait presque se retrouver avec une envie furieuse de les réécouter en se promenant dans Hurlevent, ce qui n’est pas négligeable et qui fait clairement monter mon estime du film.
Malheureusement, au vu de tout ce qu’il reste à dire, ladite estime va vite irrémédiablement redescendre de manière cataclysmique.
Si vous n’êtes pas fan du jeu et que vous êtes allé voir le film juste parce que vous aimez Duncan Jones ou que vous êtes un cinéphile curieux, le principal défaut de Warcraft va vous sauter à la gorge comme une meute de loups enragés : l’histoire est incompréhensible. Les scènes s’enchaînent les unes après les autres sans logique et sans que les personnages ne prennent le temps de s’introduire, eux et l’histoire. C’est qui le gardien ? Il sert à quoi ? Pourquoi il est là ? Comment il s’appelle, lui ? C’est où ça ? C’est quoi ça ? Comment il s’appelle celui-là encore ? Ces questions vont vous trotter dans la tête pendant beaucoup trop longtemps, sans que vous ne puissiez y trouver une réponse.
Alors certes, certains diront que le film est fait pour les fans, et donc que c’est tout à fait normal. On ne va pas rentrer dans le débat du « est-ce qu’un film doit être fait pour être vu par tout le monde ou pas ? », mais les scénaristes (dont Duncan Jones fait partie) auraient au moins pu donner des pistes ou révéler certaines choses plus tôt dans le film.
Mais ces problèmes de compréhension auraient été excusés si au moins le scénario du film était un minimum intéressant. Il n’y a vraiment pas assez dans le scénario pour faire un bon film, rien ne peut dissimuler le vide intersidéral qui le constitue. Le peu d’éléments faisant vivre l’histoire sont d’une prévisibilité abominable et terriblement frustrante, on peut deviner tous les rebondissements.
Il y a un ou deux fusils de Tchekhov tout au long de Warcraft, et évidemment, ils sont terriblement prévisibles et mal utilisés. Mais qu’est-ce qu’un fusil de Tchekhov ? Il s’agit d’une astuce scénaristique présentant un élément à un moment du film qui s’avère, plus tard, revêtir une importance imprévue. Par exemple, au début du film, lorsque le héros va chercher le gardien, celui-ci est en train de construire un golem pour aider son acolyte dans la bibliothèque (qui est en fait une gigantesque tour). Le golem est absolument énorme et, en plus de ça, il le construit tout en haut de la tour. Déjà, on peut se poser des questions au niveau de la cohérence : pourquoi il a besoin d’un golem ? Il pourrait très bien engager un humain ou même créer une entité plus petite. Parce que vu la taille du truc, il ne va pas pouvoir se déplacer bien loin. La seule utilité de ce golem, c’est de servir plus tard dans le film, on le sait, et c’est frustrant car on ne le voit à aucune autre occasion qu’au début et à la fin, quand le golem se réveille pour défendre le gardien. Un élément scénaristique bien utilisé aurait été vu à d’autres moments dans le film pour être utile autrement que pour débloquer un problème scénaristique. On dirait que l’idée du golem a été décidée à la fin de l’écriture du scénario. En fait, on dirait carrément que le scénario a été écrit par beaucoup plus que 2 personnes, et que Universal a coupé dedans comme un rapace.
Attendez, ce n’est pas fini. Loin de là : un autre problème majeur réside dans l’utilisation des personnages et ce qu’on ressent pour eux. Étant donné que le film raconte l’histoire de deux races différentes, il y a un grand nombre de personnages « importants » dans les deux camps. Le problème, c’est que même si le roi est important dans le monde des humains, il ne le sera peut-être pas scénaristiquement. Et c’est exactement ce qui se passe dans le film. Le problème, c’est que le roi est mis en scène comme si on avait quelque chose à faire de ce qu’il disait. Alors déjà, l’acteur le jouant n’a pas du tout le charisme d’un roi, mais surtout, il n’intervient pas assez pour qu’on soit pris d’empathie pour lui. Et ce n’est malheureusement pas le seul personnage pour qui on ne ressent rien. Par exemple, le fils de Lothar meurt lors d’une bataille. Seulement, on l’a tellement peu vu pendant le film que… Ben on s’en fout, même si c’est le fils d’un personnage très important. Pour ce qui est de ce même personnage, tout ce qui va lui arriver est encore une fois prévisible et il est totalement sous-traité, comme tous les autres personnages importants du film.
Quant aux personnages, parlons de leurs dialogues.Les dialoguistes ont tenté de produire une certaine sagesse dans leurs tirades, comme dans le Seigneur des Anneaux, mais malheureusement, cela sonne mal, et apparaît plutôt comme de la fausse sagesse. En plus de ça, les répliques censées être humoristiques font à peine sourire. Sachant à quel point les jeux pouvaient être décontractés et drôles à certains moments, c’est assez étonnant et dommage que ça ne soit pas reproduit sous cet angle dans le film.
Évidemment, si les personnages sont sous-traités et que les dialogues sonnent faux, les acteurs ne peuvent que difficilement rattraper le coup avec leur jeu. Bien sûr, ils n’ont pas l’air d’être de mauvais comédiens : Travis Fimmel est parfaitement crédible dans le rôle de Lothar et l’exécute comme il le peut malgré un texte plutôt mauvais. On notera tout de même une petite ressemblance avec Chris Pratt. Après, certains acteurs n’arrivent vraiment pas à gérer leur texte. Ni même une simple expression faciale en fait (cf. le bibliothécaire quand il se rend compte que le gardien est en fait…).
Et qu’est-ce qui résulte d’un mauvais texte, de mauvais personnages et de mauvais acteurs ? Aucune émotion. Des scènes incroyables avec plein de drama, de la famille qui meurt, de pauvres innocents qui se font trucider… Mais on ne ressent rien parce qu’on s’en fout de ce qui peut leur arriver.
Mais si seulement il n’y avait que le scénario et les dialogues qui étaient foireux. Non, ça va encore plus loin. Même le montage, à certains moments, perturbe vraiment par son absurdité et son manque de transition entre les scènes. On passe d’un endroit à un autre, d’une action à une autre, parfois sans aucun effet de style, sans rien qui nous dise : « ah, là on change de scène ». On a vraiment l’impression que le film a été charcuté au couteau de cuisine par une dizaine de monteurs différents, pour au final ne ressembler à absolument rien.
De toute façon, on voit clairement dans la construction du film que c’est parti pour une trilogie. Ce n’est pas comme s’ il était marqué dans le titre français : « Warcraft – Le Commencement ». Alors évidemment, le film n’explique pas tout, bien entendu, il y a un arrière-goût de « pas terminé ». Mais c’est pour mieux vous pomper votre fric pour les années qui suivent. Merci Hollywood.
Si vous êtes un fan, vous allez très certainement apprécier le nombre de clins d’œil et le fan-service sans forcément faire attention à la cohérence narrative ou aux détails que j’ai cités plus haut, mais si vous êtes un spectateur lambda qui est curieux ou qui connait à peine l’univers de Warcraft, je déconseille très fortement ce film. Il vous semblera vide de tout intérêt, et vous aurez bien raison.