Lorsque j'ai vu les bandes-annonces et les premiers avis sortis sur Waves, j'ai eu peur que mon jugement soit biaisé par les qualités plastiques de ce film. Parce qu'il faut l'avouer, Waves est magnifique. De loin le plus beau film de cette année et une soundtrack qui me touche particulièrement puisqu'un grand nombre des chansons utilisées ont des places d'honneur dans ma playlist depuis longtemps (en plus des compositions originales de Trent Reznor et Atticus Ross toujours aussi inspirées). Mais c'est peut-être ça le problème, est-ce que je vais être plus indulgent avec un film dont chaque plan est un bonbon pour les yeux et où les chansons de Frank Ocean, Kanye West, Tyler the Creator, Kendrick Lamar, Radiohead ou Animal Collective s'enchaînent ? Bah j'en sais toujours rien. Cette critique spoile Waves, vous êtes prévenus.
Le film suit le destin auto-destructeur d'une famille afro-américaine. Il se divise en deux parties : la première se concentre sur le fils, membre de l'équipe de lutte de son lycée à qui tout réussi, qui jongle entre le train de vie "à la dure" que lui impose son père (joué par Sterling K. Brown qui livre une excellente interprétation) pour sa réussite et sa relation avec sa petite amie qui lui apporte du réconfort. Une suite d'évènements malheureux (une blessure au bras qui le contraint d'arrêter la lutte et sa copine qui tombe enceinte) vont l'amener vers une descente aux enfers à l'issue tragique. Je ne m'attendais pas à assister à ça lorsque j'ai commencé le film. Cette première partie traite de sujets très importants comme la masculinité toxique, l'avortement et la pression sociale, alliée à une réalisation très dynamique qui m'a beaucoup fait penser à la série Euphoria de Sam Levinson ou encore à Utopia de Dennis Kelly dans sa photographie. On sent que le film essaie de capter l'essence de cette génération (qui est aussi la mienne) et y parvient vraiment. J'ai cependant eu beaucoup de mal à comprendre les agissements de Tyler (le fils du coup) pendant sa descente aux enfers et l'issue de tout ça m'a plus laissé dubitatif que réellement choqué. C'est à ce moment là que j'ai commencé à douter de mon appréciation du film jusque là et j'ai eu peur qu'il sombre dans un pathos très gras dans sa deuxième partie (Waves ne brillant sûrement pas par sa subtilité).
On suit donc la soeur du personnage principal de la première partie dans la seconde, et les répercussions des agissement de ce dernier sur sa vie et celles de ses parents. On remarque directement que cette partie a un rythme beaucoup plus posé que la première, et va avant tout s'attarder sur la question "Comment reconstruire sa famille et soi-même après un tel évènement ?". Pour arriver à trouver une réponse, Emily (la soeur de Tyler) va trouver du réconfort en rencontrant Luke, joué par Lucas Edges (un habitué des productions A24). Les deux adolescents vont alors s'engager dans une relation où chacun se tirera vers le haut et qui va les mener à l'acceptation de leur propre situation (dans le cas de Luke, la mort prochaine de son père atteint d'un cancer pour lequel il est plein de rancoeur et dans le cas d'Emily, celle du crime de son frère qui a fait voler sa famille en éclats). On peut lui reprocher quelques longueur et un pathos quand même présent dans certaines scènes mais cette deuxième partie parvient à être aussi très touchante et très juste. J'ai beaucoup plus été impliqué émotionnellement dans le parcours de cette jeune fille pleine de bonnes intentions que dans celui de son frère qui, certes a souffert, mais qui agissait plus sur le coup de l'émotion et sans vraiment assumer ses actes. La réalisation arrive à créer de vrais beaux moments de cinéma (la scène de la pêche avec le père et certaines qui illustrent la relation entre Luke et Emily) et use d'artifices très réussis pour exprimer l'évolution de l'état émotionnel des personnages avec le changement de format d'images qui fera évidemment penser à Mommy de Xavier Dolan (le film a certaines vibes très dolanniennes j'ai trouvé par moments).
Waves est donc un très bon film aux qualités esthétiques indéniables et que je trouve assez intelligent dans la façon qu'il a de capter une génération et de parler des rapports humains malgré quelques maladresses. J'espère juste ne pas l'avoir un peu surnoté par rapport à sa réelle valeur mais la musique a beaucoup jouée dans mon appréciation du film.