Un frère et une sœur, Tyler et Emily. Deux histoires, deux êtres, deux temps, mais une seule et même famille à qui tout réussit mais qui, soudain, va se désagréger, se confronter là, violemment, à ses illusions (de bonheur parfait) et ses failles (qu’on préférait ne pas voir, ou qu’on préférait ne pas dire). Filmant une fois encore une famille qui se décompose inéluctablement (face à un danger extérieur dans It comes at night, face à un drame quand le fils commet un féminicide dans Waves), Trey Edward Shults interroge nos rapports à l’autre (au père, aux amis, à l’âme sœur…) et à une société qui impose l’excellence, le refus de l’échec.
Loin de l’âpreté de It comes at night, Shults opte ici pour un filmage plus voyant qui, souvent, croule sous les effets de style et de lumière, sa caméra enchaînant comme une forcenée mouvements, prouesses et excès divers (on se croirait revenu aux débuts de Paul Thomas Anderson et, de fait, on pense beaucoup à la mise en scène de Boogie nights, Magnolia ou Punch-drunk love). C’est surtout dans la première partie (sur Tyler) que Shults se lâche, embrassant le rythme de cette jeunesse bouillonnante qui va bientôt déchanter, la seconde (sur Emily) revenant à une réalisation plus posée privilégiant la douceur d’un après-tragédie et d’une rencontre amoureuse.
C’est d’ailleurs dans cette deuxième partie que le film verse dans un sentimentalisme marqué qu’il avait pourtant su éviter dans la première : l’idylle entre Emily et Luke est cul-cul (rasoir) au possible, avant qu’un à-côté scénaristique (le cancer en phase terminale du père de Luke) ne vienne enfoncer le clou dans ce pathos bien inutile (tout en rappelant l’importance des liens familiaux avec force écoulement de larmes). Après une première partie certes visuellement chichiteuse, mais intéressante dans ce qu’elle raconte (culte de la performance, pression constante, masculinité toxique…), Waves perd de ce relatif intérêt en virant à la romance adolescente passe-partout et l’ode familiale gnangnan.
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