Un néo-film noir truculent
Première réalisation de Christopher Mcquarrie, scénariste émérite de Usual Suspects, Way Of the Gun est un petit film jouissif aux relents de western moderne. Un polar modeste mais doté d'une attention particulière aux détails, à la chorégraphie des gestes. Pas un film d'action de bourrin complet, plutôt un petit bijou de fin gourmet. Un fin gourmet qui saurait montrer les dents et casser des culs quand il le faut.
Et c'est assez rare pour être souligné, les excellentes scènes d'action tendues comme tout sont à chaque fois porteuses de sens pour le parcours émotionnel des personnages.
Un polar hors des sentiers battus
D'abord, l'enjeu profondément humain de l'intrigue, une femme enceinte sur le point d'accoucher, permet de creuser des personnages plus consistants que la moyenne, amenés à tester leurs convictions intimes. Une problématique inattendue pour cette belle ribambelle d'arnaqueurs, d'hommes de mains patibulaires et de purs salopards, à commencer par le duo principal campés par Benicio Del Toro et Ryan Phillippe. S'ensuit un défilé bien cool de gueules cassées de la série B, aux visages burinés et creusés par le poids des déceptions, comme James Caan, Scott Wilson, ou Geoffrey Lewis (père de Juliette).
Un timing particulier
Des scènes se prolongent plus que de raison, des gunfights éclatent, se calment, retrouvent un élan inattendu.
La course-poursuite du début entre les kidnappeurs et les mafieux se déroule ainsi à deux à l'heure, une étape après l'autre, méthodiquement, entre professionnels de la profession. Efficacité pure.
Le vieux de la vieille James Caan et le jeune chien fou Benicio Del Toro arrêtent eux leur confrontation pour prendre un café et méditer sur les répercussions à venir.
La mémorable introduction détonne par sa brièveté et sa vulgarité (les joutes verbales à base de fuck you you fucking fuck sont inégalables).
Un humour à froid
Saisissante présentation de Geoffrey Lewis qui joue à la roulette russe et désespère de ne jamais réussir à en finir. Ou les deux anti-héros qui débarquent en plein bordel et attendent exaspérés que les putes se barrent pour que le gunfight final puisse avoir lieu (Ryan Phillippe brame un « Hum Hum » bien senti, Del Toro en profite pour mettre la main aux fesses d'une des putes).
Loin de gêner par une quelconque ironie, ces moments déroutants permettent au film de trouver ses propres marques.
Au final, Way Of The Gun est un petit polar bien âpre et original, qui démontre le goût pour la mise en scène de Christopher Mcquarrie. On sent son envie de soigner chaque détail, sa gestion de l'espace est carrée (géniale confrontation finale dans une hacienda mexicaine poussiéreuse au doux parfum du cinéma de Peckinpah).
La direction d'acteurs est inspirée et soutenue par des dialogues qui claquent bien. Le résultat fait penser à un cousin américain du Johnnie To de The Mission ou Exilés, coupé avec la truculence et le gout des ruptures de ton d'un Elmore Léonard.
Le tout, en douce, permet la peinture d'une autre Amérique, sale, désenchantée, corrompue par les exactions de bâtards sans foi ni loi comme Parker et Longbaugh. Le mot de la fin reviendra justement à Mr Longbaugh, dans un dernier râle fait de bile, de poussière, de sang et pas mal de lucidité: "So...Where is your God now?".