Soyons clair, vous souhaitez très bientôt fonder une famille ou vous êtes sur le point d’en fonder une, ce n’est peut-être pas le meilleur moment pour regarder ce film. Lyne Ramsay s’attache ici à faire le portrait d’une mère et de son fils déviant. Suite à un acte dont on devine la monstruosité sans en connaitre l’exacte nature, Eva (Tilda Swinton) se remémore sa relation mère-fils de la procréation à maintenant. Pourquoi Kevin est-il Kevin ? Est-il né déséquilibré ou l’est-il devenu ? Quelles erreurs a-t-elle commise ? Quelle part d’inné et d’acquis ? Eva culpabilise évidemment.

Il faut dire que cette relation était d’emblée mal engagée. Grossesse non désirée. Mère limite dépressive. Enfant difficile. Un père (John C. Reilly, très bien dans le film) qui ne participe pas à l’éducation de son fils et pire culpabilise sa femme. Ainsi, d’un bébé non désiré et qui pleure beaucoup (au point que sa mère s’arrête près d’un chantier et savoure le bruit qui couvre les cris de son enfant) Kevin deviendra un enfant très intelligent mais dont on sent déjà poindre l'agressivité voire la perversité à travers le conflit permanent avec sa mère. Il est animé par un désir de destruction permanent (bureau de sa mère, céréales, etc.). A l’âge de 8ans il porte encore des couches simplement pour obliger sa mère à continuer à le torcher. Déjà l’art de la manipulation dont il fait preuve notamment avec son père, son double jeu permanent est extrêmement inquiétant. De temps en temps il accorde un répit à sa mère, et se comporte normalement et feint l’amour et la tendresse, juste ce qu’il faut pour la faire douter. Il est bien aidé en cela par un père qui ne voit pas ou refuse de voir la véritable nature de son fils, au point de conseiller à sa femme de voir un psy.

Ce portrait n’est pas à charge et c’est ce qui en fait la principale réussite. Il n’est pas question de pointer du doigt les responsables, si tant est qu’il y en ait, ou d’apporter des réponses à l’origine des troubles psychologiques. D’ailleurs, à l’ultime question du film, Kevin répond quelque chose comme : « A l’époque je pensais savoir. Maintenant je ne sais plus trop. » Ce film propose des pistes et questionne habilement sur la nature de l’amour maternel, sur le doute voire quand tout ne va pas pour le mieux sur le sentiment de culpabilité des parents.

En prenant l’option, d’un thriller Lyne Ramsay permet de captiver plus facilement le spectateur qu’avec un film quasi réaliste qui pourrait de plus facilement tomber dans le misérabilisme. Malheureusement elle utilise les codes du genre peut être de manière un peu trop scolaire et abusive. Oui du rouge = du sang, un voile ou un rideau blanc = fantôme, le regard du dessous = folie, etc. Un petit peu plus de subtilité dans la mise en scène aurait été préférable. C’est néanmoins très bien filmé et bénéficie d'un montage par flash-back très bien ficelé.

Enfin que dire de Tilda Swinton ? Elle est tout simplement extraordinaire. Elle n'a même pas besoin de mot pour exprimer toute la détresse de cette femme. Toutes les émotions transpirent par son visage et son corps.
ghyom
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2011

Créée

le 22 mai 2014

Critique lue 560 fois

9 j'aime

3 commentaires

ghyom

Écrit par

Critique lue 560 fois

9
3

D'autres avis sur We Need to Talk About Kevin

We Need to Talk About Kevin
Velvetman
8

I saw the Devil

C’est l’histoire d’un enfant roi, à la couronne ensanglantée. Une petite tête blonde dont l’esprit semble se remplir d’une haine viscérale années après années jusqu’à exploser aux yeux du monde. De...

le 16 avr. 2016

81 j'aime

6

We Need to Talk About Kevin
Marvelll
8

Portrait d'un monstre : parlons de Kevin

Une énorme fascination pour ce film maitrisé de bout en bout. Si on est complètement paumé au début avec des allers-retours dans le temps sans aucune explication, ni même de repère historique,...

le 29 sept. 2011

79 j'aime

8

We Need to Talk About Kevin
Before-Sunrise
7

Sortez couverts

We Need To Talk About Kevin ou comment réaliser la plus longue pub pour les capotes du Monde. Eva tombe enceinte « par accident » avec un type fraîchement rencontré. Elle n'est pas faite pour être...

le 10 avr. 2012

66 j'aime

24

Du même critique

Citizenfour
ghyom
8

A travers le PRISM de Laura Poitras.

« Citizenfour » ne cherche pas à expliquer le fonctionnement de l’espionnage systématique massif mis en place par la NSA et le gouvernement américain. Il ne cherche pas non plus à condamner et à...

le 25 févr. 2015

56 j'aime

7

Mad Max - Fury Road
ghyom
9

Histoire d'un aller et retour

La première chose qui frappe dans ce film c'est la photographie. C'est tout simplement somptueux. Bien aidé il est vrai par les paysages, il faut tout de même noter le travail fantastique de John...

le 17 mai 2015

38 j'aime

5

Seul au monde
ghyom
3

Critique de Seul au monde par ghyom

"Seul au monde" c'est l'histoire de Robinson Crusoé, sauf que Robinson a un sens du devoir qui dépasse l'entendement (et tout sens logique) et que Vendredi est un ballon de Volley. Évidemment si...

le 1 avr. 2014

36 j'aime

10