Triste, vaguement drôle et jamais émouvant

Les détracteurs du Dunkerque de Nolan ont trouvé dans ce film une vengeance. Basé sur le premier roman (homonyme) de Robert Merle, Week-end à Zudycoote représente les allées-et-venus d'un groupe de soldats français et britanniques pendant la bataille de Dunkerque (juin 1940). Il déploie des moyens importants, visible lors des scènes de bombardements. Belmondo (déjà dirigé par Verneuil deux ans avant pour Un singe en hiver), alors acteur très populaire en passe de devenir emblématique, joue un sergent-chef détaché au maximum dans pareilles conditions (il rate même des occasions de fournir ses cascades typiques).


C'est la principale référence du spectateur et une manière pour lui de traverser ces plages sans se laisser accabler. À Julien comme à nous d'apprécier l'abondance d'ironies tragiques offertes par les circonstances. Cette distance ne gâche ni l'intensité ni la pertinence du film ; l'interprétation de Belmondo porte ses limites. Ses laïus d'humanitaire gouailleur et de sceptique gentil ne poussent jamais bien loin. Même traitement pour ses accès héroïques, possiblement contradictoires. Il se met bientôt à éprouver Dieu de ses sarcasmes, toujours nonchalamment, en s'échauffant lentement face au curé engagé ; c'est comme s'il liquidait ses stocks. À force de survoler la situation (sans aller jusqu'à entrer dans le déni joyeux façon La vie est belle) son personnage manque de naturel et de consistance, reflète mal les émotions fortes, les drames ou les urgences.


Le réalisme du film est contrarié non par la légèreté, mais par des écarts symboliques ou démonstratifs. Le comique est omniprésent mais ne relève pas du troupier habituel – quand il se fait franc, il s'exprime par exemple au travers de Dhéry (Pierre Mondy), au fort instinct de conservation à la tournure grotesque (surtout en instants de paix), ou encore en rabaissant sèchement les anglais (avec leur thé, leur suffisance et leur rigidité). Le spectacle est fluide et un peu random, sans fil narratif interne ; les hommes et leurs décisions sont déterminés par le flot d'événement ; la menace constante est ce fil conducteur au-dessus de tous les autres, rationnel mais imprévisible.


Loin des élucubrations pacifistes ou des poses de désabusés, le film conforte l'idée qu'on ne fait pas la guerre sans se « salir les mains » et montre quelques exactions de l'équipe locale sur son propre terrain. La plupart sont mineures et même banales ; en relève, le cynisme face aux macchabées tout frais, qui est aussi une façon de relativiser l'horreur et d'ailleurs ne pousse pas à trahir l'effort d'encadrement civilisé (concrètement, les passages de camions pour débarrasser proprement le chantier). Enfin il peut être compliqué de démêler ce qui relève de l'éventuelle hystérie de Jeanne ou d'une mollesse de direction d'acteurs ou d'écriture. Les dernières scènes avec Catherine Spaak sont à la limite du théâtre 'low-cost' ; mais cette note improbable aussi a son charme, bien que contrairement aux autres dans le flou, celle-là semble purement et strictement opportuniste – comme une fantaisie réconfortante.


https://zogarok.wordpress.com/

Zogarok

Écrit par

Critique lue 336 fois

2
1

D'autres avis sur Week-end à Zuydcoote

Week-end à Zuydcoote
blacktide
9

Mémoires de Sable

Zuydcoote. Ses dunes. Sa plage. Son air. Sa mémoire. Que reste-t-il aujourd’hui de cette histoire ? Un hôpital maritime encore en activité. Quelques épaves échouées. Quelques blockhaus engoncés dans...

le 15 mai 2020

38 j'aime

2

Week-end à Zuydcoote
Ugly
8

Dunkerque, juin 40

A l'heure où le film de Nolan divise un peu les spectateurs, il est bon de revoir Week end à Zuydcoote, excellent film d'Henri Verneuil qu'il réussit comme souvent à rendre captivant tout en en...

Par

le 4 sept. 2017

31 j'aime

16

Week-end à Zuydcoote
Sergent_Pepper
7

Pari sous les bombes.

Le récent Dunkerque aura eu le mérite de réactiver la mémoire de ce film français qui aborde exactement le même sujet, à savoir le reflux britannique sur le sol français suite à l’offensive ratée de...

le 12 juin 2018

27 j'aime

3

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

51 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2