On n’aura de cesse de le répéter : le documentaire est un genre profondément cinématographique. Bien des cinéastes s’y sont essayé avec succès, dont Werner Herzog ou encore Martin Scorsese, prouvant plus que jamais l’intérêt du genre. Il y a désormais un peu plus de quarante ans, c’est Roman Polanski qui s’y intéressait. « Je voulais faire un film sur un ami », dit-il. L’ami en question, c’est évidemment Jackie Stewart, avec qui Polanski entretenait une amitié proche, bercée par sa passion de la Formule 1. Néanmoins, le réalisateur de Rosemary’s Baby n’était pas à l’aise à l’idée de réaliser le documentaire. En 1968, lors du Festival de Cannes avorté, il fait la rencontre de Frank Simon, présentant alors un documentaire sur les drag-queens. De la collaboration entre ces deux hommes nait en 1972 Weekend of a Champion, qui malheureusement n’a pas pu jouir d’une véritable distribution, à part d’éventuels festivals ou quelques salles. Ayant miraculeusement remis la main sur les négatifs, Roman Polanski a présenté le film dans une version remontée inédite au Festival de Cannes 2013. Retour sur un documentaire immanquable.

La critique sur Cineheroes : http://www.cineheroes.net/critique-weekend-of-a-champion-de-roman-polanski-et-frank-simon-2013

Avant tout, ce qu’il faut savoir, c’est que Weekend of a Champion n’est pas une œuvre destinée uniquement aux afficionados de la Formule 1. C’est un film finalement très humain qui évoque l’amitié entre deux passionnés. Pas d’abus de dialogues techniques sur les mécanismes des voitures ou de la course : tout est fluide, limpide, les éventuels termes spécifiques se comprennent facilement dans le contexte. On vit ainsi le quotidien du Grand Prix de Monaco, évoqué de la manière la plus naturelle qui soit.

Weekend of a Champion ne cherche pas à évoquer simplement la gloire d’une ancienne star de la F1, c’est aussi un regard sur une toute autre époque, plus simple, mais aussi plus dangereuse. Dans Rush, qui mettait en scène également la F1 des années 70, Ron Howard ne manquait pas de rappeler cette constante épée de Damoclès planant au-dessus des pilotes. La F1 était alors un sport relativement funeste. Derrière l’apparente insouciance de Jackie Stewart, caractérisant nombre de pilotes d’alors, on entrevoit éventuellement l’incertitude ou la pression que subit le champion. Frank Simon place sa caméra constamment là où il faut pour saisir ces quelques moments, avant de monter dans la voiture, où l’on prend conscience que l’on a une chance sur cinq de ne pas en ressortir vivant.

Afin de mettre cet univers du risque d’autant plus en valeur, Simon saisit les moments de vie entre le pilote et son entourage. Il y a bien entendu son ami Roman Polanski, avec qui les discussions sont nombreuses, mais aussi sa femme, Helen Stewart. C’est également là qu’on saisit tout le drame potentiel résidant dans le sport : derrière les yeux fiers et encourageants de sa compagne se lit une réelle peur. Pleuvent aussi des anecdotes sur Monaco, son Grand Prix de légende, des détails parfois drôles ou improbables qui aujourd’hui semblent extrêmement lointains vu l’évolution du sport.

Weekend of a Champion vit également grâce à un dynamisme du montage absolument détonnant. Derrière toute la simplicité du dispositif, il y a un travail de mise en scène saisissant, qui nous rappelle, une fois de plus, la nature ultra-cinématographique de ce documentaire. Petit plaisir pour les passionnés : Frank Simon nous fait vivre un tour de circuit à Monaco sous une pluie torrentielle grâce à une géniale caméra embarquée. A une époque où la caméra embarquée n’est pas encore un dispositif de captation popularisé à part éventuellement dans le cinéma (souvenons-nous de Grand Prix de John Frankenheimer), on ne peut que profiter pleinement des images proposées, quasi-inédites.

Une ultime séquence, rajoutée à l’occasion de ce nouveau montage, nous permet de retrouver Roman Polanski et Jackie Stewart quarante ans après. Profondément émouvante, elle confère au documentaire un sens encore plus riche, insistant sur le regard d’une époque depuis une autre. On comprend un sport (un monde ?) qui a significativement changé. Stewart finit par évoquer son retrait de la Formule 1 après la mort de tous ses amis proches, alors pilotes. Ils se revoient, non sans émotion, dans ces années 70, alors insouciants, charmeurs, mais aussi géniaux.

A découvrir de toute urgence, Weekend of a Champion complète une année 2013 déjà très riche en excellents documentaires, notamment grâce à Jodorowsky’s Dune ou encore Seduced and Abandoned. Et puis, après tout, une petite virée à Monaco avec Roman Polanski, ça ne se refuse pas !

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le 26 nov. 2013

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Lt Schaffer

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