En 1973, Frederick Wiseman a filmé durant plusieurs mois un centre d'aide social basé à New-York, et on suit les tracas de diverses personnes, entre soucis de paiement, de logement, d'emploi, de famille, et ce durant près de 3 heures où la grande force du documentaire est de paraitre totalement invisible. Pourtant, ces gens sont souvent filmés en gros plan, avec quelques fois un léger travelling, et Wiseman arrive à se rendre discret dans des situations parfois hallucinantes.
Je pense par exemple à une discussion de près de 15 minutes où un homme, apparemment dérangé, sort de l'hopital et va déverser sa logorrhée raciste à une autre personne, qu'on ne voit pas d'abord, mais que, par un léger zoom arrière on découvre qu'il s'agit d'un agent de police de couleur noire ! Il faut saluer l'aplomb de ce dernier, qui reste stoïque face aux torrents de haine déversés par l'autre fou, car il menace quand même de s'en prendre à lui et d'aller tuer ses autres frères de couleur. D'ailleurs, il finira par être dégagé par ce même policier, qui bloquera la porte dérobée où il l'a fait sortir par une matraque.
Ce n'est qu'une des nombreuses histoires qu'on voit dans ce documentaire, parfois éprouvant de par sa durée ainsi que son côté brut en noir et blanc, mais c'est vraiment ce qui le rend passionnant. Ainsi qu'un certains souvenir de voir des bureaux sans ordinateurs, où tout le monde clope sans soucis, où on pense à la fameuse maison des fous des 12 travaux d'Astérix tant le parcours du combattant est là pour ces hommes et femmes le plus souvent en grande précarité. D'ailleurs, c'est presque historique dans le sens où 1973 correspond aussi à la fin des Trente glorieuses, donc le début des soucis économiques dans le monde...