Pour le commun des mortels, nous les prolos, les outsiders, les misfits, les renégats, les enfants du bitume, bref, les cacailles, passons nos journées à revendre des cigarettes qui font rire et à nous entretuer les uns les autres au nom de la sacrosainte religion, les cathos dissimulant du jambon dans le thé des musulmans, les musulmans taguant "Jésus pu du cul" sur les murs des églises, pendant que les juifs et les chinois sabordent les commerces du concurrent avec le concours des services sanitaires. Alors qu'en réalité, nous flânons tranquillement dans le quartier en faisant des entrechats et en jouant de la luette, ce que Robert Wise et Jerome Robbins ont visiblement bien compris.
Tiré du musical de Leonard Bernstein, Stephen Sondheim et Arthur Laurents, lui-même inspiré du célèbre "Roméo et Juliette" de William Shakespeare, "West Side Story" représente encore aujourd'hui la quintessence du cinéma hollywoodien des 60's. Si le couple interprété par Natalie Wood et Richard Beymer m'aura laissé totalement indifférent (lui étant trop fade et elle n'ayant pas franchement le physique portoricain) et si l'ensemble peu paraitre bien désuet, il n'en conserve pas moins un charme indéniable et constitue un défi technique incroyable.
Rythmé par les chansons entraînantes de Sondheim et Bernstein et bénéficiant de décors absolument renversants (on a réellement la sensation d'évoluer dans les quartiers), "West Side Story" est un tourbillon sonore et visuel, peut-être ce qui se fait de mieux dans le genre, tout en montrant un visage peu flatteur de l'Amérique de l'époque, message avant tout pacifique donnant pour une fois la parole aux minorités.
Mais ce qui fait la force de "West Side Story" est bien entendu la collaboration entre Wise et Robbins, l'un prêtant son sens inné de la mise en scène, ses talents d'artisan hollywoodien bien trop peu reconnus encore aujourd'hui, aux chorégraphies endiablées et entraînantes de l'autre. Sans ces deux géants, "West Side Story" n'aurait pas eu la même saveur.