Not So Pretty!
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Passer après un classique du cinéma multirécompensé, ce n'est pas chose aisée. Quelques-uns s'y sont frottés pour finalement s'y casser les dents. Mais pour Steven Spielberg, dont le talent n'est plus à prouver, c'est un jeu d'enfant.
Pour cette nouvelle adaptation, le cinéaste américain garde tout du matériau original - tout juste y intègre-t-il de légers détails pour asseoir ses idées et thématiques. L'entreprise est de ce fait un pari risqué, surtout à notre époque, de par son genre plus ou moins boudé et la crainte d'un manque de modernité. Le résultat, lui, prouve absolument le contraire. Déjà, l'universalité de l'histoire, à savoir l'amour dans un contexte de division, apporte un ancrage émotionnel fort dont les enjeux seront toujours d'actualité. Une relative naïveté est certes nécessaire pour pleinement s'impliquer dans cette relation amoureuse naissante (la seule véritable limite du long-métrage) mais particulièrement belle et touchante. D'ailleurs, Spielberg ne la néglige jamais en y apportant tout le soin nécessaire que ce soit dans son écriture comme dans sa mise en scène. Il suffit d'ailleurs de voir la rencontre entre Tony et Maria ou la séquence du "balcon" avec ses jeux de lumières et autres évocations oniriques pour s'en convaincre.
Cette intrigue amoureuse n'est donc que la structure de WEST SIDE STORY à laquelle se greffe une multitude de thématiques. Qu'elles viennent du ROMEO ET JULIETTE de Shakespeare, de l'œuvre originel de Bernstein, Sondheim et Laurents, ou de Spielberg, elles construisent un propos dont cette adaptation semble être la synthèse. Le scénario de Kushner (en écho avec celui de MUNICH, déjà pour Spielberg) apporte une profondeur aux tribulations de Tony et Maria par un savant jeu de contextualisation des séquences chantés et dansés. La mise en scène de Spielberg, comme un relai du scénario, fait de ces liens son objectif pour aboutir à un constat d'une terrible actualité. Dans cette construction scénaristique réside toute la modernité du WEST SIDE STORY version Spielberg. Chaque plan recèle d'une idée que le découpage vient appuyer reliant ainsi le propos de la première adaptation ancrée dans son époque à celle-ci. Par les plus simples effets et un travail visuel splendide, le cinéaste américain construit une œuvre limpide, mais néanmoins d'une densité thématique remarquable.
La jeunesse dépeinte dans le film se bat pour un territoire qui ne leur appartient déjà plus. Elle mène un combat perdu d'avance et sans espoir comme le supposent ces décors post-apocalyptiques. Dans cette désolation et toujours avec une certaine ironie, l'amour esquisse l'espoir durant sa première partie joviale et colorée pour mieux entraîner l'adhésion émotionnelle du spectateur grâce à l'énergie du casting et de la caméra en perpétuel mouvement. Les soubresauts de joie ne sont que des artifices pour dissimuler d'orgueilleuses intentions, car bientôt le crépuscule puis la nuit s'empare du long-métrage, la noirceur s'introduit et avec elle la haine. Ainsi, au fil des minutes, le désenchantement prend place jusqu'au point de bascule où le cycle de la violence s'enclenche. Soixante ans après, le constat est toujours le même.
La décision de Spielberg d'adapter une nouvelle fois WEST SIDE STORY semble au final évidente : il y aborde un genre qu'il aime et qu'il n'avait alors qu'effleuré, y étoffe les thèmes présents et y injecte ses propre questionnements. Plus que tout, il en fait une réponse à celui de Wise et Robbins. Au bout du compte, Spielberg en fait un grandiose drame musical. Un classique instantané.
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Créée
le 16 déc. 2021
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