Not So Pretty!
Que ce soit bien clair, je ne suis pas un grand fan du West Side Story de 1961 (reste que je l'ai aimé quand même dans sa globalité, en particulier parce que pas mal de compositions de Leonard...
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le 9 déc. 2021
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Quand j'ai ouï dire que le talentueux mais inégal Spielberg avait décidé d'escalader l'olympe de la comédie musicale et chef d'oeuvre de Bernstein/Robbins un peu éclipsé par la non moins mythique version filmique de Robert Wise, j'avais une certaine crainte du résultat final.
Le cinéaste avait cette obsession depuis longtemps d'offrir aux spectateurs une nouvelle lecture au film de 1961 en collant davantage à l'oeuvre originelle écrite pour la scène de Broadway en 1957.
Fort du succès phénoménal de l'époque (plus de 750 représentations avec reprises en tournée à Londres), Hollywood s'en empara et en fit une adaptation musicale assez fidèle pour le cinéma avec le concours de trois orchestrateurs qui déplacèrent un peu l'écriture de Bernstein vers un penchant plus jazzy et une dynamique plus appuyée.
Soixante ans plus tard, Steven, bercé depuis sa plus tendre adolescence par le microsillon de la bande sonore du film, propose de revenir musicalement à une conception "opératique" de la partition du compositeur notamment en confiant la direction d'orchestre au brillant chef Gustavo Dudamel. Cela se traduit par une couleur instrumentale plus ample, plus concertante, où les voix se fondent parfaitement avec l'orchestre. Autre exemple, les doublures laissent la place aux véritables voix des actrices et acteurs/chanteuses, chanteurs.
Visuellement, il s'éloigne de la version 1961 en désaturant la palette colorée flamboyante très "Technicolor" de l'époque où elle fut tournée.
Pour plus de véracité, tout est quasiment filmé en extérieur avec un superbe travail sur la lumière solaire et les ombres rasantes qui transfigurent les corps et visages des interprètes.
Excepté Tony que j'aurais aimé davantage acéré vocalement et scéniquement, le reste de la distribution est remarquable. J'ai trouvé bouleversante la nouvelle incarnation de la grande Rita Moreno dans un rôle inventé qui remplace celui du "Doc" : Lui faire chanter dans un frémissement vocal magnifique "Somewhere" m'a ému aux larmes et déplace la signification du texte vers un hymne humaniste universel.
Je vais à présent lister les plus et les moins des deux versions.
La distribution :
En dépit d'un doublage bluffant des voix chantées sur les lèvres des interprètes chez **Wise,****il faut reconnaitre à **Spielberg la pertinence d'avoir choisi des artistes sachant aussi bien chanter, danser et jouer la comédie. Le coté "bad boys" est aussi fortement accentué surtout chez les Jets qui ressemblent à de petites frappes sans foi ni loi.
La mise en scène :
Dommage que Spielberg est supprimé l'ouverture de Bernstein qui faisait tout le sel expérimental visuel chez Wise grâce au méconnu Saul Bass, graphiste de génie qui signa de mémorables génériques.
Je trouve également qu'il y avait dans la production 1961 d'élégants mouvements de grue, de brefs zooms, des raccords dans l'axe et plans d'ensemble qui épousaient parfaitement la gestuelle des danseurs et les chorégraphies de Robbins.
Le remake veut peut être en mettre plein la vue avec des travellings qui collent aux personnages et un découpage frénétique qui empêche le déroulement de plans-séquences plus proches de l'écriture scénique originelle.
L'image :
A l'époque, on filmait en Panavision et en Technicolor flamboyant qui paradoxalement enjolivait ce "musical" assez sombre. C'était filmé comme une féerie quelque peu anachronique d'un chant du cygne des studios à l'aube de l'empire de la télévision.
Aujourd'hui, la tonalité générale avec l'aide du numérique est de désaturer les couleurs pour être raccord avec les ruines poussiéreuses dans lesquelles se meuvent les protagonistes.
Mais j'ai aimé les ombres rasantes interminables des Sharks et Jets et les artefacts lumineux qui éblouissent le décor urbain.
De plus, c'est vraiment tourné dans les rues de Manhattan mais dans une optique plus naturaliste que chez Wise.
La musique et les voix :
J'espère ne pas être redondant en clamant mon émerveillement devant une partition aussi géniale.
C'est un peu comme si Shakespeare avait travaillé de concert avec Mozart et Stravinsky
Le désir de Spielberg était de se rapprocher de la matrice Bernstein qui donne à l'oeuvre une dimension plus symphonique et lyrique en appelant Gustavo Dudamel, jeune chef très doué.
Toutes les voix sont magnifiques. Juste un bémol concernant Tony, pas assez lyrique à mon goût.
Evidemment, je suis un inconsolable nostalgique de Chakiris, Moreno, Tamblyn, Wood et les autres mais je reconnais bien volontier la grande émotion qui se dégage de ce nouvel opus.
West Side Story demeure un diamant brut que le grand joaillier Steven fait briller de mille feux !
Créée
le 12 janv. 2022
Critique lue 128 fois
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