New York,années 50,dans le quartier populaire du West Side.Alors qu'une bonne partie des immeubles est en démolition pour satisfaire à un ambitieux programme immobilier,les deux principales bandes de voyous du coin se provoquent et se battent en permanence.Il y a les Jets,des blancs d'origine italienne,irlandaise ou polonaise,et les Sharks,représentants de l'immigration plus récente des Portoricains.Leurs chefs charismatiques respectifs,Riff et Bernardo,ne rêvent que d'en découdre et la situation explosive n'attend qu'une étincelle qui va survenir quand Tony,meilleur ami de Riff et ex leader du gang,repenti et rangé des voitures après un séjour en prison,va tomber amoureux de Maria,la jeune soeur de Bernardo,laquelle partage ses sentiments.Drôle d'idée a priori que de vouloir réactiver soixante ans après ce grand classique de la comédie musicale signé Robert Wise,et il est encore plus étonnant que ce soit coproduit et réalisé par Steven Spielberg,qui n'avait jamais auparavant shooté ni de musical ni de remake.Le film est pourtant une belle réussite,parvenant à conserver les qualités de l'original,cet habile mélange de musiques et de danses déchaînées servant de support à un drame social bien charpenté,tout en y ajoutant des qualités visuelles et narratives modernisant l'ambiance sans la dénaturer.Ainsi la virtuosité technique de Spielberg trouve là un champ idéal où s'épanouir et sa réalisation,même si Wise était un très bon cinéaste,recèle une ampleur supérieure à celle de la version 61.C'est euphorisant au possible,on passe fluidement d'un lieu à un autre,les plans sont magistraux et maîtrisés au millimètre,en gardant continuellement cette adéquation héritée de la version originale scénique de Leonard Bernstein et Stephen Sondheim entre les tableaux musicaux et le développement du récit.Tout reste en mouvement et l'histoire progresse par les scènes de danses et de chansons qui ont de la signification et ne sont jamais plaquées artificiellement sur l'intrigue,évitant adroitement les défauts inhérents au genre.Les équipes techniques,groupées autour de la directrice artistique Deborah Jensen,ont accompli un fabuleux boulot,notamment le décorateur Adam Stockhausen avec sa bluffante reconstitution des bas-quartiers fifties de Big Apple,du chef-op Janusz Kaminski dont la photo mi-chaude mi-métallique entre ombre et lumière restitue admirablement l'atmosphère urbaine américaine ou le chorégraphe Justin Peck qui nous offre de mirifiques séquences dansées qui surpassent les pourtant mythiques chorés de Jerome Robbins.On se souviendra particulièrement de la scène du commissariat lors de laquelle les Jets prisonniers s'amusent à s'attribuer divers rôles,juges,avocats,policiers,psys,accusés,tout en se déplaçant constamment à travers ce décor étroit en utilisant les objets qui s'y trouvent pour les détourner de leur fonction première.Au-delà de l'aspect visuel,ce "Roméo et Juliette" sauce New-Yorkaise se révèle très actuel dans sa description d'un monde inégalitaire en tension plombé par la violence et la bêtise obtuse de jeunes qui sont tous victimes d'un Système contre lequel ils feraient mieux de s'allier pour le combattre alors qu'ils ne trouvent rien de mieux à faire que de s'entretuer pour des motifs stupides.En ce sens le scénario de Tony Kushner a le bon goût de se montrer lucide dans sa critique du racisme,chose la mieux partagée au Monde.Certes les Jets méprisent ces métèques de Portoricains,mais ces derniers ne sont pas en reste et entendent bien cultiver l'entre-soi de leur communauté,on le voit notamment avec l'attitude de Bernardo,qui n'admet aucunement que sa frangine sorte avec un polak.Autre point judicieusement abordé,les différences de point de vue concernant l'intégration entre les femmes et les hommes,synthétisées par "America",la chanson phare du film.Les nanas sont enthousiastes,optimistes et prêtes à devenir américaines tandis que les hommes s'arc-boutent sur leur culture primitive et rêvent même de retourner à Porto-Rico.Au bout de tout ceci il y a les malentendus,le gâchis et la mort qui progressent inexorablement dans une tragique spirale shakespearienne enfermant les personnages dans leurs funestes destins.La noirceur générale est cependant compensée par la romance interdite de Tony et Maria et les fantastiques numéros musicaux envoyant les magnifiques compositions de Bernstein et les superbes lyrics de Sondheim via ces chansons tubesques saturant la bande-son,notamment les insubmersibles "America","Tonight" ou "Maria".Les acteurs,pour la plupart inconnus,sont excellents,à la regrettable exception du couple vedette,fade à souhait.Ansel Elgort,avec son insupportable tronche de poupon bouffi,confirme qu'il est un bien pâle comédien,et Rachel Zegler,pas très jolie,n'a ni présence ni charisme.Heureusement les autres cartonnent et sont tous des révélations instantanées,se montrant aussi doués pour le jeu que pour la danse.L'explosive et sexy Ariana DeBose campe une flamboyante Anita,la petite amie de Bernardo,lequel a les traits de David Alvarez,parfait en latino macho et borné.Mike Faist crève l'écran dans le rôle de Riff et Josh Andrés Rivera est très bien en intello égaré chez les petites frappes.Il y a également un très bon Corey Stoll en policier brutal décidé à contrôler le quartier et la participation de Rita Moreno,l'interprète d'Anita dans le film de 61,qui est en plus productrice déléguée.Notes et critiques de films de Steven Spielberg publiées précédemment:voir critique "Indiana Jones et la dernière Croisade".Nouvelle moyenne:6,7.

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le 18 juin 2024

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