Y'a des films comme Whiplash qui nous prouve que le cinéma est un véritable art, un film qui n’est pas seulement de la poudre aux yeux, une succession de booms et d'explosions, mais aussi de l’artisanat, de l’âme, du dévouement et de l’esprit.
Après avoir vu Whiplash de Damien Chazelle, un film que le jeune et prometteur réalisateur souhaitait faire depuis un certain temps déjà (en atteste son premier court métrage du même nom), j'en suis sorti heureux et soulagé. Soulagé parce que j'ai d'abord découvert le bonhomme avec La La Land, qui était assez incroyable. Mes attentes étaient donc énormes avant de voir un premier film ayant connu un tel succès retentissant et je n'ai vraiment pas été déçu.
Je ne m’attendais pas à ressentir cela après avoir regardé ce film. La tension est permanente et il y a toujours quelque chose d’inattendu qui se produit. C’est comme si le réalisateur Damien Chazelle avait choisi d’appliquer le tempo de la batterie dans l'écriture du scénario. Tout le monde peut s’identifier à cette histoire, nous avons tous poursuivi un rêve, une passion ... certains d'entre nous s’efforcent encore de transformer leur rêve en réalité, certains d’entre nous en avons même fait notre métier.
Miles Teller joue le jeune et dévoué étudiant Andrew Nieman, qui a la motivation, l’ambition de réussir et de devenir le plus grand batteur de tous les temps ... ce qui est bien, tant que cela ne fait pas dérailler votre vie personnelle. C'est une leçon que le jeune batteur apprend à ses dépens. L’ambition aveugle, c'est ce qui peut décrire le mieux notre anti-héros Terrence Fletcher (aka le brillant J.K. Simmons), qui a un truc pour "mindfucker" ses étudiants jusqu’à l’épuisement physique et mental, voir même jusqu'à les mener à la dépression (et au suicide). Mais voilà, il le fait pour une bonne raison, une très bonne raison à ses yeux, celle de trouver le prochain Charlie Parker. Le nouveau prodige de 19 ans, c'est Andrew Nieman et il va le pousser à la limite.
Damien Chazelle a fait un travail magistral en déconstruisant ses deux personnages principaux, bien aidé par la prestation non moins magistrale de Miles Teller et J.K. Simmons. Tout est pensé et réfléchi dans leurs parcours, ils ont chacun d'eux un but à atteindre, quoi qu'il en coûte. Cela a dû être vraiment amusant pour J.K. Simmons de jouer un rôle comme Terrence Fletcher, en retournant à ses racines du personnage de Vernon Schillinger dans Oz. J'ai beaucoup apprécié la tension qui monte crescendo tout le long du film entre Nieman et Fletcher, à tel point que ça en devient irrespirable.
Avec Whiplash, Damien Chazelle est parvenu à livrer un film à la fois exigeant et accessible au plus grand nombre. C'est un film qui joue sur la précision du geste, l'exigence de l'artiste pour maitriser son art, un film qui crée de la tension, magnifiquement mis en scène et qui par-dessus tout, témoigne d'un amour certain pour la musique et les défis qu’elle représente si vous voulez atteindre les sommets. Ce film c'est un voyage à la recherche de soi, de votre créativité intérieure. Non seulement cela montrera clairement que vous ne pouvez pas réussir sans effort et sans travail acharné, mais cela vous fera également réaliser qu’il existe deux types d’artistes différents, ceux qui font de la musique pour vivre et ceux qui vivent pour faire de la musique.
Whiplash est un film sur la musique et sur le jazz, un style musical que je connais assez mal, mais que j'apprécie beaucoup. Le solo final est d'ailleurs magistral, c'est en quelque sorte la cerise sur le gâteau. Sans trop m'y connaitre dans la pratique d'un instrument de musique (je suis même une bille dans ce domaine), il est clair que le film doit beaucoup à la prestation hallucinée des deux acteurs principaux, Miles Teller qui se donne à fond à la batterie et face à lui J.K. Simmons dont le sadisme ambigu lui donne une aura bien particulière. La fin a cette saveur toute particulière, qu'elle apporte une réponse amorale aux questions soulevées durant le film ... mais je n'en dirai pas plus, pour ne pas spoiler !
On peut néanmoins regretter que l'histoire d'amour entre Niewman et Nicole (Melissa Benoist) soit si peu développée. Les rares scènes filmées entre nos deux jeunes tourtereaux sont pourtant très réussie et elles auraient mérité plus d'attention de la part du réalisateur, afin de mieux suivre l'évolution psychologique Niewman. Et il va de même pour le rôle du père tenu par Paul Reiser, un personnage très bien écrit mais dont les interactions avec Niewman sont bien trop rares. Et pour finir sur les points qui fâchent, la scène de l'accident de voiture est complètement irréaliste et digne des Fast and Furious, mais fort heureusement, on ne s'appesantit pas trop dessus.
Whiplash est filmé comme un combat de boxe et comme tous les meilleurs films sur la boxe, c'est un film à la fois dur et étincelant. On est impatient de découvrir le vainqueur final et OMG que ce final est époustouflant.