Ah ça c'est sûr on ne sort pas indemne de ce film, et de cette confrontation inouïe. Je comprends qu'on puisse applaudir à la fin d'un tel spectacle, ne serait-ce que pour libérer l'extrême tension accumulée dans le dernier quart d'heure. C'est très bien fait ! La mise en scène, le tempo (!), l'image, le son, et surtout le duo d'acteurs : Miles Teller et JK Simmons, qui sont tous les 2 excellents (surtout Simmons !).
Marquant donc sans aucun doute, et je ne suis pas prêt d'oublier ce film et cet état dans lequel il m'a mis. Mais, mais il y a un mais... quelque chose qui me fait quand même être très réservé sur l'appréciation globale. Parfois pour certains spectacles (ou repas), il y a le goût de trop peu, là, c'est le contraire, on nous en met trop ! Trop de tout ! d'exigence, de fureur, d'injustice, d'humiliation, de manipulation, d'artifices, d'invraisemblances aussi, de mouvements de caméra, de gros plans, d'effets de montage, de "bruit", bref : trop de "cinéma" ! qui entraine un sentiment de surabondance et de saturation.
Si les questions posées par le film sont vraiment intéressantes : Faut-il pousser l'apprenti artiste dans ses derniers retranchements pour permettre l'éclosion de son talent ? Le génie nait-il de la confrontation aux difficultés et de la persévérance à surmonter des obstacles ? Quand le tyran apaisé, nous dit avec une extrême gentillesse et beaucoup de délicatesse (et de manipulation !), que c'est sa conviction, on le croirait presque, et on excuserait tout ses excès ! Le problème c'est que c'est faux et que ce type de méthodes peut tuer, sinon l'artiste lui même, du moins son élan créatif.
Certes on ne peut probablement pas être un grand artiste si on n'est pas extrêmement exigeant avec soi même, mais on sait aujourd'hui qu'on n'est plus obligés "d'enfanter dans la douleur" ! En tous cas pas dans la douleur provoquée par un coach harceleur et manipulateur.
Le problème de Fletcher, c'est en fait qu'il se fiche complètement des "grands artistes" ordinaires. Lui, son obsession, c'était de découvrir et faire éclore le prochain Charlie Parker ! Et il ne peut que constater son échec. Allez chercher pourquoi ! Alors que lui sont passé dans les mains les meilleurs musiciens de New-York, (donc des Etats-Unis, donc du monde !).
Moi je lui conseillerais, comme thérapie, d'aller revoir le magnifique Bird de Clint Eastwood. Le géant Forest Whitaker n'a manifestement besoin de personne pour se mettre tout seul en difficulté et exprimer avec génie sa désespérance.