Premières secondes du film, un long couloir, au bout de ce couloir un jeune homme armé de ces deux baguettes derrière son kit batterie. Il frappe frénétiquement son instrument, il le martyrise, il y déverse sa rage et sa colère au rythme des perles de sueur qui dégoulinent sur son front. Cette fureur est interrompue par Terence Fletcher, professeur au conservatoire de Schaffer, qui lui fait bien comprendre qu'il n'est pour l'instant qu'un singe savant avec des baguettes...
Dès les premiers instants, Damien Chazelle instille une tension palpable et anxiogène sur fond de sonorités de la Nouvelle-Orléans. Le jazz est ici l'arbitre d'un duel âpre et violent entre Andrew, jeune batteur forcené et Terence Fletcher, professeur de conservatoire tyrannique.
"Whiplash" couronne le cinéma du geste, la tension ne naît pas d'une ligne de dialogue ou d'une réplique bien sentie mais d'une main ensanglantée qui tient fermement une baguette, d'un doigt qui glisse sur un piston ou bien d'un regard bleu acier accusateur et submergé de colère. Chaque partition interprétée par le Studio Band est un morceau de bravoure dont on attend fébrilement la conclusion prématurée...
Damien Chazelle nous offre la claque cinématographique de cette fin d'année. Sa caméra se révèle extrêmement fluide et précise pour nous montrer la folie d'un professeur qui se sent investi d'une mission mais aussi la folie d'un élève qui croit qu'il a une place parmi les grands de ce monde. Il touche du doigt la virtuosité avec une scène finale d'anthologie qui conclu le duel de deux acteurs géniaux, Miles Teller et J.K Simmons, de manière admirable.
Damien Chazelle ne se fera assurément pas un nom dans le monde du jazz, mais il vient de se frayer un chemin à grands coups de baguettes vers les sommets du septième art...