Caravan passe... on est aux abois.
Pourquoi « Whiplash » est-il l’un de mes films préférés de 2014 ? Les raisons sont multiples ! Ce que j’aime au cinéma c’est être surpris, impressionné, ému… j’aime sentir mon corps vibrer intérieurement par ce que je vois. J’aime aimer… j’aime détester des personnages… J’aime que mon attention soit captivée, le cœur serré en étau, par un suspens filmique. J’aime qu’un réalisateur m’embarque là où je n’irai pas naturellement (le jazz en l’occurrence). J’aime sentir les larmes couler le long de mes joues non parce qu’il y a tristesse, mais simplement parce que c’est magnifique. Voilà c’est dit. L’enthousiasme a parlé… Facile ! La raison me pousse à écrire… Damien Chazelle un presque inconnu en deux temps, trois mouvements, se paie le culot incroyable de signer vraisemblablement le film le plus abouti en matière d’approche musicale du jazz. On n’oublie cependant pour autant quelques œuvres marquantes précédentes comme « Autour de minuit » de Tavernier ou « Bird » d’Eastwood dans un genre plus intimiste. Chazelle, lui, apporte sa jeunesse, sa fougue et son expérience et trouve de fait la formule rythmique bien balancée, un tempo élevé, provoquant un stress bénéfique, salvateur et endiablé. Un film tout en pulsations folles, disposant d’une parfaite mise en place des valeurs. Le spectateur devient partenaire de ces musiciens, se retrouve en leur cœur grâce à un sens du montage inouï et sans temps faibles. Au niveau technique, nous touchons presque à l’irréprochable. Il en est de même pour ce duo infernal qui est tout ici sauf classique, puisque reposant sur une relation névrotique entre le prof dont la tyrannie n’a d’égale que la hargne d’avoir échoué et l’élève pour qui la musique n’est qu’un tremplin à une reconnaissance personnelle si désirée. C’est donc un combat musical presque patricide que va mener Andrew, jeune prodige de la batterie, face à son prof M. Fletcher, pour briller enfin sous les feux des projecteurs. Cela passe par l’effort, le surpassement de soi, les cris, l’abnégation selon la devise de Beethoven du génie (5% de talent contre 95% d’efforts). Et pour faire vivre cette lutte binaire Chazelle a choisi Miles Teller et Jonathan Kimble Simmons qui l’incarnent avec maestria. Le rythme du film, à l’image de la musique jazz, est soutenu entre souplesse et rebondissements, douleur et jouissance. Avec « Whiplash », les sensations sont pures et Chazelle y apporte une conception filmique et harmonique novatrice ! Quant à la musique, cette réinterprétation du fameux « Caravan » de Ellington, notamment, qu’en dire ? Elle est sincèrement époustouflante ! Ce morceau était le préféré de mon père… lui aussi aurait été impressionné… Finalement, il ne se trouvait pas que du bonheur dans les larmes versées, il y avait sans doute aussi un peu de nostalgie…