Vous qui regardez des films, des séries ou lisez beaucoup, vous connaissez sans doute l'histoire type de l'élève et du maître. Mais si, le jeune est super doué, le maître est le meilleur dans sa catégorie, un type un peu étrange. Ils vont apprendre l'un de l'autre, construire une relation très forte, jusqu'à ce que le maître rende l'âme dans les bras de son apprenti (en lâchant souvent une phrase prophétique). Le jeune alors pars à la recherche du grand méchant qui n'est autre que son oncle et PAF, baston finale, le gentil gagne et récupère la fille. Fin.
Vous connaissez ? Bien, parce que Whiplash n'a rien à voir avec ce schéma. Enfin si. Peut-être.
Voila l'histoire. Un jeune homme, Andrew Neiman (Miles Teller), est un batteur passionné de jazz. Il vient d'entrer à Shaffer, une école américaine prestigieuse de musique. Il cherche à se faire remarquer par le directeur de la dite école, Terence Fletcher (JK Simmons). Il y parvient et intègre la classe du directeur, celle des meilleurs élèves, chose assez peu commune pour un première année. Ils sont tout deux amoureux du jazz. L'un veut devenir le meilleur batteur de New York et l'autre veut découvrir le nouveau Buddy Rich.
Vous voyez le rapport avec mon histoire du début ? Neiman veut tout faire pour prouver à ce professeur qu'il est le plus grand batteur de New-York (et donc du monde comme il aime le rappeler) en puissance. Il se braque avec sa famille à force de travailler, perd sa petite amie et s'enferme dans un monde de rythme et de jazz. Sans vous dire si l'issue est heureuse ou non, on suit le schéma classique de l'évolution d'un élève très doué et de sa relation avec le maître. Tous les deux mus par l'amour du jazz et de la recherche de la perfection, ils vont construire une relation forte, basée sur le respect mutuel et l'amour.
Non je déconne. En fait, Fletcher est un monstre et Andrew un ambitieux prêt à tout sacrifier pour réussir. Ils vont se détester mutuellement, sans jamais pouvoir se quitter. Ils s'insultent et se haïssent à longueur de temps. Enfin, celui qui prend le plus, c'est quand même Neiman. Oui, parce qu'il est tellement poussé à bout par l'enseignement de son professeur que lorsqu'il est victime d'un accident de voiture, il préfère courir à la salle de concert et essayer de jouer avec ses doigts cassés plutôt que d'aller à l'hôpital. Voilà voilà. Et c'est génial.
C'est génial parce que le film introduit une tension constante dans la relation maître/élève, donc une tension omniprésente pendant tout le film. Dès que Neiman joue, nous voilà cramponné au siège en priant pour que Fletcher trouve ça bon. Ha ? Il vient de jeter une chaise à la tête de Neiman ? Bon, j'y connais rien en musique, mais je ne suis pas sûre que ce soit un bon signe. En fait, le principe de Fletcher, c'est qu'il faut pousser un élève un tant soit peu doué pour qu'il révèle meilleur de lui même. Et tant pis s'il souffre de dépression, tant pis s'il est sur le point de se suicider. S'il meurt, ça voudra dire qu'il n'était pas le bon. Voilà, vous avez cerné le personnage. Le pauvre Neiman va souffrir. Physiquement, moralement, pendant tout le film. Chouette.
La mise en scène est superbe, les acteurs prodigieux (JK Simmons a quand même eu l'oscar du meilleur second rôle), la musique fantastique … Franchement, allez le voir les yeux fermés. Ouvrez les quand le film commence, et laissez vous guider par ce premier plan séquence qui nous amène lentement vers Andrew, sa batterie, sa passion, son talent et sa rage.