Après avoir réalisé des films de propagande en Italie pendant la guerre et travaillé depuis à des story-boards pour les studios Ealing, Alexander Mackendrick convainc en 1949 Michael Balcon de diriger son premier film. Ce sera ce "Whisky galore !" adapté d'un fait divers, le naufrage en 1941 du S.S.Cabinet Minister au large de l'Ecosse avec à son bord 50 000 caisses de... Whisky.
Mackendrick adapte le roman de Sir Compton Mackenzie et tourne sur place, en 1948, dans la petite île de Barra. Il a l'avantage d'être d'origine écossaise ce qui lui vaut les faveurs des locaux. En revanche il est en quelque sorte à l'essai : payé 35 pounds par semaine, il touche moins que la plupart de ses techniciens ! Mackendrick adopte rapidement une approche documentaire. Il filme la vie de l'île, les pêcheurs, les gueules cassées comme Robert Flaherty le faisait dans le splendide "L'homme d'Aran". Les premières bobines du film sont à cet égard un quasi pastiche du film de Flaherty (presque plan par plan).
Commence ensuite l'intrigue à proprement parler. Il n'y a plus de Whisky sur l'île, guerre oblige. Tout le monde se serre la ceinture jusqu'au naufrage du cargo. Dès lors, on joue au chat et à la souris avec la police anglaise pour récupérer les caisses échouées. Si le film dégage un fort capital sympathie, c'est entre autres grâce à l'habileté avec laquelle Mackendrick développe ses personnages secondaires. Feel-good movie à la sauce écossaise, "Whisky galore !" impose un rythme assez enlevé, des accents gaéliques, de belles trognes et autres danses locales qui raviront les amateurs d'exotisme.
Mackendrick termine le tournage avec le sentiment du devoir accomplit. Il monte un film d'une heure qui ne plaît pas du tout à Balcon (patron d'Ealing). Ce dernier refuse de le sortir et envisage d'en faire un genre de série B jusqu'à ce que Charles Crichton ne le réédite et en fasse la version de 82 minutes que nous connaissons aujourd'hui. Le film fait un flop. Mais sa sortie américaine sous le titre "Tight little island" cartonne (pas de whisky dans le titre américain !) puis la sortie française (Whisky à gogo, donc) fait coup double. Mackendrick se sauve in-extremis et pourra réaliser deux ans plus tard "The man in the white suit" qui marque le début de sa reconnaissance critique.