Penny : pour quelques kopeck de plus...
A Tom Gries, il sera beaucoup pardonné. Pour les premiers plans d'abord, où les rayons du soleil pénètrent l'objectif comme par une heureuse erreur de manipulation. Un western filmé par un type de la Nouvelle Vague, on se dit. On se dit aussi Les Moissons du Ciel avec 10 ans d'avance et on remercie le Labrador, qui projette le film. Et le générique dure et dure, ce qui est quand même assez beau. On est empli d'espoir par cette intro faite de moments dispensables et par le plaisir qu'a Gries à filmer les paysages pour eux-mêmes ; et le travail des cow-boys de façon quasi-documentaire. On aime ce report de l'événement perturbateur.
On aime d'ailleurs aussi l'événement perturbateur, sorte de crime originel, de malédiction Biblique dont on croit même qu'il va être fait un grand film. Deux équipages pour un élan. Pas vraiment envie de partager. Surtout les méchants (un prêcheur et ses quatre enfants tarés). Ceux-ci ouvrent le feu et l'un d'eux est tué. Will Penny est celui qui a visé juste...
Le problème c'est que rien dans ce film n'est mené à bien. Le prêcheur reste un méchant fonctionnel quand il aurait dû faire s'inscrire Will Penny dans la grande liste des "Westerns à méchants marquants". Et quid de la fille du prêcheur (l'excellente Chanin Hale), promise un temps à devenir le personnage le plus passionnant de l'histoire du western ? Un gros que-dalle à manches courtes !
Lucien Ballard, chef opérateur sur Will Penny, dira dans ses mémoires : "Chaque jour, Tom [Gries] se rendait compte qu'il avait égaré son carnet de notes et Daniel [Mc Cauley, l'assistant de Gries] lui en offrait un nouveau." Ainsi, l'amnésie est-elle le mal dont souffre ce film girouette où chaque belle idée est laissée hors champ comme un jouet neuf dont un enfant ne veut déjà plus. A la fin, on est un peu triste mais on pardonne. Pour les rayons surtout. Et les dents de Chanin Hale.