Ceux qui se sont sentis incompris, boucs-émissaires et les enfants (ou ex-enfants) à l’introversion mal vécue, seront plus enclins à apprécier le film et se reconnaître dans les drames de Willard. Film de Glen Morgan (connu comme scénariste pour X-Files, auteur plus tard du remake de Black Christmas), produit par James Wong, avec qui il a travaillé sur les pitoyables The One et Destination Finale, Willard est une sorte de Dr Dolittle gothique, de production Disney Channel dissipée, de film d’horreur rétro, où un trentenaire hypersensible frisant l’autisme s’entiche d’un rat, puis de légions de rats et en fait l’arme de sa vengeance.
Revanche d’une victime, d’une serpillière-née, pourvue néanmoins d’une allure retenant l’attention, Willard présente un personnage inhibé, pâle, perpétuellement hagard et assez mal bâti, vivant avec sa mère (les emprunts à Psychose sont assumés). Il va trouver un premier écho auprès des rats envahissant sa cave, dont deux se distinguent : Socrate, le seul rat blanc, son compagnon fétiche, son premier et dernier ami ; et Ben, un rat noir massif, le leader des troupes, son numéro 2 ; les autres font partie de la masse aux ordres.
Brillamment incarné par Crispin Gloves (vu dans Dead Man ou Charlie’s Angels), celui-ci est (auto-)entretenu dans le monde de l’enfance ; sa soumission et sa passivité sont des protections, tout comme son statut de victime et d’exploité. En face de cette silhouette fragile, le patron (R.Lee Ermey) a le mauvais rôle, celui du connard définitif, mais peut-être pas si odieux. En effet, il est toujours légitime de s’en prendre à Willard : ce dernier est paresseux, démissionnaire et indifférent ; il se fiche de contrôler son existence ; s’entretient dans ses croyances puériles et son carcan quotidien régressif. Enfin, il ne doit sa seule ouverture au monde extérieur (par le travail) qu’à l’héritage de son père ; et il en est de même pour son refuge, sa maison. Seule Laura Elena Harrine (la star de Mulholland Drive) s’intéresse à cet extraterrestre gauche, à la tenue anachronique et la prestance déplorable.
L’impact émotionnel est constant mais aléatoire dans sa nature ; nous partageant entre la curiosité, la pitié et le sarcasme pour ce spécimen incapable de soutenir le regard d’un de ses congénères. Hésitant habilement entre la parodie et le pathos, Willard évoque un croisement entre Hitchcock et Tim Burton dès son générique : on retrouve notamment l’emphase pour un monde enfantin précocement morbide, avec effets dramatiques appuyés mais sans authentique glauquerie ; puis surtout ce manichéisme retourné dont l’homme d’Edward aux mains d’argent est devenu l’emblème. A noter qu’il s’agit du remake d’un film d’horreur de 1971 totalement oublié, pourtant succès surprise à son époque au point d’appeler une suite (Ben).
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