Sublimement triste
Je m'attendais à un documentaire sur la course automobile gavé d'adrénaline, d'odeurs de Super et de dépassements testostéronés. Même si ces derniers sont présents, surtout pour relater l'année 1986...
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le 6 mai 2018
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En 2011 sortait Senna d’Asif Kapadia.
Senna c’était un super documentaire sur le pilote de F1 du même nom. Un documentaire qui entendait tirer profit de l’immensité de sources vidéo à disposition sur le personnage et qui avait pris pour parti osé de traiter son sujet avec un sens de l’incarnation et de la dramaturgie qui, dans mon esprit, fit date…
Mais visiblement, il n’y a pas que dans mon esprit que Senna fit date car, depuis 2011, les films documentaires sur les grandes stars du sport automobile se sont enchainées : McLaren en 2016, Ferrari : race to immortality en 2017 ainsi que tous les films de fiction qui, depuis, ont remis les as du volant au goût du jour, du Rush de Ron Howard au Ford vs Ferrari de James Mangold, le tout en attendant le (encore) Ferrari de Michael Mann prévu pour 2022…
Et au milieu de toutes ces productions là, on retrouve donc ce Williams dédié au fondateur de la célèbre écurie du même nom…
…Soit.
Je dis « soit » parce qu’en soi, ça ne me dérange pas qu’on assiste à cette déferlante de fictions et de documentaires sur le sujet.
Ayant pas mal suivi la Formule 1 dans ma jeunesse, tous ces films réveillent des souvenirs que je chéris, surtout que la plupart du temps la qualité a toujours été au rendez-vous.
Ce fut donc avec un certain attrait que je me suis dirigé vers ce Williams sans trop m’inquiéter…
…J’aurais dû.
J’aurais dû parce que, clairement, avec ce film de Morgan Matthews, on n’a clairement pas affaire au même genre de production.
Alors certes, au premier abord on a l’impression de retrouver la bonne vieille formule magique d’Asif Kapadia appliquée au personnage de Frank Williams. Et puis assez rapidement, pas mal de choses dénotent.
Peu de documents d’archives, peu de courses, beaucoup de témoignages – dont celui de Frank Williams lui-même – et surtout une narration qui vire vite à l’hagiographie.
Ah ça ! Qu’il est fort ce Frank Williams ! Qu’il est doué ! Qu’il est passionné ! On s’attarde plus à narrer les talents de Williams, père et fille, et à filmer les jolies carrosseries des modèles actuels qu’à vraiment raconter ET MONTRER l’épopée.
Or, en 1h40, on aura le temps de le ronger son frein…
Alors certes, on finira bien par en avoir des images d’archives, mais au final bien peu au regard ce qui aurait pu être fait.
Et cela tient finalement en une chose, c’est que le film ne cherche visiblement pas à nous raconter l’histoire des Williams en tant que bolides, mais plutôt de nous raconter l’histoire des Williams en tant qu’icônes managériales.
A bien tout prendre, Williams n’est pas vraiment un documentaire, il est plutôt un film d’entreprise.
Alors certes, formellement on est largement au-dessus des films de la COGIP raillés par les Messages à caractère informatif mais dans le fond on n’est franchement pas loin du même niveau de ridicule.
Williams c’est l’enchainement permanent de phrases toutes-faites visant à fabriquer une image idyllique du patron. Tout est scripté et formaté pour correspondre à cette image lisse que l’entreprise entend donner d’elle-même.
Le vice est d’ailleurs poussé tellement loin qu’au final l’épopée de l’écurie est mise en second plan au point même d’être en grande partie amputée. Ç’en est à un niveau que toute la partie année 90 avec les titres de Damon Hill et de Jacques Villeneuve est passée sous silence.
Un comble…
De là en découle une œuvre qui peine à générer une quelconque tension dans sa narration et surtout en découle une œuvre qui peine à convaincre tant le produit semble artificiel.
D’ailleurs, tout tient en un symbole : un carton qui s’affiche en début de film et qui précise que des situations ont été « dramatisées » dans l’intérêt du film.
Seulement quels sont ces effets de dramatisation ? Ce sont notamment de faux documents d’archives mettant en scène l’accident de Franck Williams, celui qui le paralysera.
Tout est reconstitué puis transformé pour en faire une vieille pellicule d’époque ; un procédé qui – dans un documentaire – franchit à mon sens la ligne interdite.
Un documentaire ça reste avant toute chose la restitution de sources « documentaires » ; comme son nom l’indique. Et si un témoignage reste une source qu’on peut s’autoriser à rajouter pour combler les trous, de la même manière qu’on peut s’autoriser une certaine mise en scène pour donner de l’élan, le fait de forger des « faux » - car c’est bien de cela dont il s’agit – transgresse totalement avec les codes du genre.
Alors d’accord on nous a prévenu qu’il y avait des effets de « dramatisation »… Mais la réalité c’est surtout qu’avec Williams on est sorti du documentaire pour rentrer dans de la pure fiction ; pour ne pas dire du pur film publicitaire d’entreprise.
Au final, Williams passe totalement à côté de ce qui aurait pu être son sujet et son intérêt. Au lieu de parler de courses, de bolides et de pilotes on a préféré faire les louanges des patrons et de leurs visions.
Autant dire que sur ce coup, c’est Morgan Matthews qui a manqué de vision.
Mais bon, l’argent a ses raisons que la raison ignore…
…Et ce Williams en est manifestement la plus triste des illustrations.
Créée
le 27 nov. 2021
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