La neige en son cercueil est comme un linceul délicat, celui dont on enveloppe les jeunes victimes pour en rappeler la pureté et en pleurer l'absurdité et le non sens de la perte. Recroquevillée, pâle, un peu de sang au front et au flanc, elle réveille les blessures encore vives de la souffrance que l'on a soi-même vécue.


Elle brille et répond au soleil de tout son éclat d'argent, gourmande des grands espaces mis en scène par Taylor Sheridan, comme il les magnifiait quand il plantait le scénario de son Comancheria dans le grand Ouest des Etats-Unis. Même célébration, même nature sauvage et dangereuse qui ne saurait être domestiquée. Wind River bénéficie d'un arrière plan d'une puissance rare et d'une sobriété classieuse, qui, en véritable témoin impassible des événements relatés, est perçu comme un personnage à part entière.


Le thriller attendu n'est peut être pas là. Cet aspect du film est en effet assez linéaire et classique dans son dénouement, sans grande rebondissement ni liste de suspects plus ou moins attendus. Non, Taylor Sheridan choisit de parler d'autre chose en prenant cette trame comme simple vecteur. Comme Comancheria choisissait, par le biais du road movie nonchalant, de traiter de la spoliation économique des plus humbles et de leur mise à l'écart du rêve américain, Wind River parle de ces réserves indiennes faites de taule, de bric et de broc, laissées à elles-mêmes, abandonnées après le massacre, l'exploitation et l'asservissement. Pour eux aussi, comme dans l'Ouest désertique, la possibilité de s'en sortir ne sera finalement qu'une chimère, un leurre, tant les ravages de l'occidentalisme, prenant aujourd'hui le visage de l'exploitation des puits de forage, se font encore ressentir, génération après génération.


La souffrance et la douleur en héritage.


Comme pour ce personnage de chasseur, impassible, résigné, faussement détaché, qui revit, par la découverte de ce corps dans son cercueil de neige, sa propre culpabilité, sa propre douleur, ses propres interrogations à jamais sans réponses. Jeremy Renner embrassera sans doute ici son plus beau personnage, en parfait contrepoint de la toujours aussi jolie Elizabeth Olsen, qui fait croire par sa jeunesse, son idéalisme et sa volonté maladroite d'aider, qu'il existe encore des gens pour qui les exclus et les victimes importent un peu. Elle représentera l'élément perturbateur en essayant de pénétrer cette communauté renfermée sur elle-même, maintenue littéralement en état de dépendance, abusée comme au temps de la conquête.


Wind River est, sur cette thématique, un parfait pendant au Comancheria que Taylor Sheridan avait aussi écrit, tant les propos mis en scène résonnent et se répondent. Le film reprendra aussi, cette fois-ci de l'inoubliable Sicario, cette violence sèche, bien que rare ici, qui prend littéralement par surprise par son irruption, après une montée en tension diablement bien menée et redoutable. Cependant, Wind River ne ressemble à rien d'autre quand il s'agit d'installer une atmosphère désabusée malgré la beauté de ses décors. Car de cette réserve, personne ne semble pouvoir s'échapper, comme victime d'un noir maléfice.


Malgré quelques notes d'espoir, les sourires ne nimberont de larmes. La condamnation de la nature, en forme de final tout droit tiré d'un western, sera sans appel. Mais elle ne soulagera à aucun moment la souffrance, la perte, l'absence. Seulement la neige qui, comme le temps, recouvrira lentement les traces de pas et le sang versé qui l'ont souillée, à flanc de montage, dans le silence de la nuit.


La neige et le silence, c'est tout ce qu'on ne leur a pas pris...


Behind_the_Mask, cold case.

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le 30 août 2017

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