Wind River aborde simultanément différentes questions, générant un contexte particulier.
La nature de Wind River est hostile dans ce thriller dans lequel l'humain n'a pas d'emprise réelle. S'adapter ou mourir, et la nature tue. A la fois magnifique et magnifiée par une photographie qui prend son temps, ses conditions extrêmes la rende mortellement dangereuse. Les plans d'ensemble au sein des montagnes, les distances évoquées évoquent cette immensité qui n'est pas sans rappeler la fascination que je porte à l'espace, tout aussi funeste, silencieux et majestueux dans lequel l'homme se débat pour survivre.
La musique choisie offre, dès le départ, des instants suspendus au/à la spectateur-rice à son tour tiraillé-e entre la beauté de l'ampleur de l'étendue,
et le peu d'espoir qu'elle représente pour cette femme qui y court mains et pieds nus.
Exister dans cette faune et cette flore, c'est la connaitre assez pour y échapper, s'y cacher (à l'instar des costumes de Cory), et une inattention, c'est mourir dans cette nature c'est y être happé-e et digéré-e. "Il n'est pas question de chance chez nous" dira Cory pour qui le hasard n'existe qu'en ville, mais il est question d'envie de survivre, combien de temps, à quel point. Abandonner ou survire.
Alors "Bienvenue dans le Wyoming" dira Ben quand un détour de 80 km sera nécessaire pour accéder à une zone située à 8 km à vol d'oiseau.
Les conditions climatiques extrêmes pénètrent des individus laissés à l'abandon à leur violence, désoeuvrés et seuls, et l'absence d'institutions d'Etat (hôpitaux à plus d'une heure, police d'Etat à l'autre bout du comté) génère des zones de non droit.
Sans jamais l'aborder explicitement mais par une photographie explicite, le film de Sheridan expose la misère de la réserve indienne, où se dispute la question de l'insalubrité et de l'isolement de ces lieux d'habitations dans des terres si hostiles ("seule chose qu'il nous reste"), et des traditions perdues. De fuir ou de rester dans ce monde glacial. Partir n'est-ce pas trahir un peu la communauté? Ici donc, l'Etat n'a pas déserté, il n'a jamais été, et le territoire est le seul maître.
La psychologie des personnages est finement esquissée, les fragilités laissées par l'hiver, les blessures qui ne guérissent pas mais sont laissées en suspend sans pour autant tomber dans un sentimentalisme qui le desservirait. A l'image de la nature qui les entoure, c'est aussi par le silence et la pudeur que chacun-e s'expose dans ce film et les souffrances qui ne sauraient être dites ne le sont pas.
Enfin, une place importante est accordée à la victime, comme le mériterait sans doute toutes les victimes de tous les thriller, à sa famille, une empathie particulière est apportée à la course de 10 km de Nathalie par -30°C, à son envie de vivre, à son courage sans pour autant être accompagné de flash-back inutiles qui nuiraient à l'émotion.
Violent picturalement à l'image de l'univers qu'il dépeint, Wind River est un thriller qui dresse avec élégance et pudeur un tableau acéré de ces zones quasi-désertiques que sont les montagne du Wyoming.