Raaah, merci mais non-merci. En tout cas pas deux fois.
Si le pitch a pu allécher un certain nombre d’entre-nous, le résultat n’emballe pas vraiment. Et ce quand bien même on reste conscient que les ‘‘néo-slasher’’ n’ont pas grand intérêt, a fortiori lorsqu’ils s’en prennent à notre enfance à coup de « on va pratiquer le macramé dans les entrailles des œuvres littéraires enfantines que vous avez aimé et qui sont tombées dans le domaine public pour vous les resservir sauce dégueu et détartrage ». Et pourtant, les films indépendants bien bis qui tâchent, on aime ça.
Donc, de quoi ça parle ? Notre bon vieux Winnie et sa bande de petits comparses animaux anthropomorphes se lient d’amitié avec Jean-Christophe [j’adore ce nom] – ''Christopher Robin'' en VO – qui, grandissant, se voit obligé de laisser de côté la *Forêt des Rêves Bleus* afin de prendre son envol vers la fac. Oh non, les pauvres bêtes doivent subsister malgré l’hiver et ses temps rudes. C’est alors que, mangeant l’un de leur congénère (rip Bourriquet), ils se découvrent une passion pour la mutilation, le meurtre et autres joyeusetés tripales. En avant Guingamp [oui j’ai osé], nos petits personnages trop choupis deviennent des monstres sanguinaires. Le bienveillant ourson gourmand et le petit cochon timide se décident ainsi à génocider toute la population de la forêt. Oups, ils ont glissé monsieur l’juge.
Donc. Encore une fois, si l’idée prendre des personnages tout mignons pour les travestir en de grosses bébêtes anthropophages a, sur le papier, tout pour être divertissant et souillant à souhait, il faut néanmoins faire preuve d’honnêteté intellectuelle et reconnaître que généralement ça ne donne pas de bons films – trop sérieux pour un pitch aussi potache, ou trop nanar pour surprendre son spectateur. Ici, Winnie-the-Pooh: Blood and Honey, de Rhys Frake-Waterfield cumule les deux, s’y enfonce tête baissée : tout schuss direction l’ennui et le mauvais goût.
Le film s’ouvre sur une séquence narrative avec une voix-off toute jouette qui nous explique en gros le résumé que j’ai fait plus haut, le tout en dessins type stop-motion. Là-dessus je me dis ‘‘Oh tiens, c’est pas mal ça. Utiliser le dessin style crayon de papier permet d’établir la passerelle entre l’œuvre littéraire originale et le long-métrage qui va suivre’’.
Eh bien c’est l’une des seules qualités qu’on retiendra ensuite.
On commence à suivre Jean-Christophe [j’vous ai dit que j’adorais ce nom ?] qui entraîne sa copine dans les bois, non pas pour jouer à ‘‘touche-moi-l’bâton’’, mais pour lui montrer l’endroit dans lequel il jouait avec ses amis animaux, quand il fut encore enfant. Bien sûr elle reste très perplexe à l’idée qu’il puisse avoir eu une relation amicale avec des animaux qui parlent, mais lui persiste à s’enfoncer un peu plus dans cette nature crue, filmée avec pas mal de laideur. Il finit par retrouver la cabane assez vite, mais hélas il est déjà trop tard : lorsque Winnie et Porcinet les accueille, ce n’est pas pour faire une partie de bridge, c’est bien plutôt pour les dépecer tranquillement. La copine meurt, JC [pour les intimes] se fait séquestrer. Et fin de la séquence introductive qui dure moins de dix minutes, en fait on s’en balek de ces gens, on va plutôt suivre un groupe de jeunes femmes qui décident de passer quelques jours dans la forêt, notamment parce que l’une d’entre elles – notre pseudo-héroïne – qui est stalké par un vieux gars, s’est vu recommandé par sa psy de prendre du temps pour se ressourcer, loin de la ville blabla. Mais quoi de mieux que de partir avec ses amies dans les bois qui sont le théâtre de boucheries sordides ? D’autant que ce n’est pas comme si c’était tenu secret : dans le générique d’ouverture sépia moche, on entend des voix à la radio et on peut voir des extraits de journaux qui indiquent explicitement que la presse, donc par extension, le public, est au courant. Mais bref on s’en fiche. Elles sont les proies parfaites pour nos deux tueurs. Nos jeunes femmes sont un peu concons et mal caractérisées, Maria en tête de liste qui est victime de harcèlement sexuel, son passé son histoire ?, on s’en tape, on a pas l’temps alors expédions out ça.
Tout le reste du film ne sera alors qu’un banal film de croque-mitaine pas très inventif, dans lequel nos perso vont se faire traquer en gros et y aura des morts (paye ton résumé).
C’est pas très intéressant. Le film roule sur des rails et ne surprend pas vraiment. Il repose avant tout sur son idée de départ, qui est comme on l’a dit de prendre des personnages inoffensifs pour en faire de bon gros tueurs bourrins ; au-delà de ça, il n’y a rien de plus, pas de valeurs ajoutées ; deux beaux Michael Myers insipides
‘‘Ouais mais ici ils sont deux, généralement il n’y a qu’un seul tueur’’ – oui mais il existe déjà des ‘‘slashers à plusieurs’’, comme The Strangers 1 et 2 qui, sans inventer le beurre à couper l’eau chaude, investissent un sous-genre certes sur-utilisé mais avec une technicité efficace et finalement plutôt plaisante à voir. Ici il n’en est rien.
Le film se paye en plus le luxe de n’être pas très beau. Je retiens quelques plans sympas, devant lesquels je persistais à essayer de sauver le difficilement sauvable (pour ne pas dire insauvable), mais c’est à peu près tout.
Il y a une scène par exemple qui fait particulièrement tâche, qui semble montrer l’absence de vergogne de la part du réalisateur : un gros-plan en légère contre-plongée sur la tronche de Winnie qui s’empiffre de ‘‘miel’’. Oui parce que la matière que l’on voit à l’écran est transparente, donc moi je pense qu’on est probablement plus sur la morve de victimes consommées plutôt que sur du miel, mais bref. Toujours est-il que le réalisateur choisit de rester en gros-plan sur le visage de Winnie qui mange. Sauf que le problème, c’est qu’on a droit à un masque, pour Porcinet aussi. Sauf que ce masque sent bon le plastique épais Made in China. Alors de fait, lorsque Winnie mâche, on voit très bien que la bouche présente des difficultés à articuler la mastication. Donc on y croit pas une seconde. Parce que le film n’embrasse jamais sa contrainte matérielle, qui est un portefeuille de 100k de dollars. Il ne profite jamais d’avoir un petit budget pour investir des moyens pratiques et visuels un peu cheapos, mais efficaces, qui relèverait de la débrouillardise d’un réalisateur qui peut se servir d’un manque de thune pour aller dans un cinéma de genre efficace, dans l’épure de moyen et de matos, mais dans l’artisanat du peu qu’il a.
Non parce que certes, ne pas disposer de beaucoup d’argent pour faire un film, c’est compliqué. Mais on a moulte exemples de projets qui s’en tirent très bien avec peu de pognon. Sans vous faire l’affront de citer les classiques comme le bon vieux *Halloween* de notre bon vieux Carpenter [j’aime les prétéritions], récemment on a les films de Damien Leone, *Terrifier* et compagnie, qui mettent en scène notre ami Art le clown. Le premier ‘‘Terrifier’’ a été tourné pour 35 000 dollars – soit presque trois fois moins que ‘‘Winnie : de la pisse et du miel’’ – et il est bien meilleur que notre film.
Doit-on également évoquer le costume de Porcinet ? Oui non parce que je ne savais plus trop où le placer celui-là, mais comme je l’ai rappelé subtilement ci-dessus [oui, je suis quelqu’un de très subtil.] : Porcinet c’est un cochon. Alors pourquoi lui avoir fabriqué un masque de cochon avec les défenses d’un phacochère ? Est-ce mes lacunes en zoologie qui me font être approximatif voire faux, ou bien est-ce que vous faites juste n’importe quoi ? Quoi qu’il en soit, il ne ressemble PAS, mais alors PAS, DU TOUT !, à Porcinet. Le décalage aurait été d’autant plus appréciable, entre le meugnon et le dégueulasse.
Revenons un court instant sur la facture visuelle de certaines scènes. Le maquillage et les effets spéciaux ont été utilisé de concert pour servir l’esthétique gore du film. Du moins en théorie. Parce que la plupart des scènes de meurtre sont particulièrement laides, à coups de faux-sang numérique premier prix, de mannequins pour les scènes d’écrasement de tête clairement visibles (ça fait vraiment tâche au visionnage), dommage pour un film estampillé slasher.
Enfin, en plus de n’être pas très beau et pas très inventif, d’avoir un scénario et des dialogues que je soupçonne d’être écrits par une IA, la musique est très anodine. Ou bien elle s’excite un peu pendant les scènes d’actions, ou bien elle souligne très vaguement, tout en fond, l’histoire qui se déroule.
Ah, et ça joue mal aussi. Mais bon, l’entièrement du cast n’est pas professionnel, doit-on jeter la pierre au réal, eu égard à une direction d’acteur ratée ?
Finalement, on a un film qui ne repose pas sur grand-chose, qui a un concept théoriquement rigolo, mais qui dans les faits pédale à vide, nous laissant pour beaucoup dans l’indifférence la plus totale, mais non sans une certaine inquiétude légitime. Eh oui, car il a été annoncé d’ores-et-déjà une suite à ce film, ainsi que d’autres long-métrages d’épouvantes qui devraient s’évertuer à torturer Peter Pan et Bambi, avec en prime l’intention possiblement de croiser les histoires ensembles. Qui sait, peut-être ce film ouvre-t-il la voie à un ‘‘Winnie verse’’, ou plutôt le ‘‘Domaine Public verse’’, en l’occurrence. Mais saviez-vous également que Frake-Waterfield pourrait vouloir réaliser un film d’horreur sur les Teletubbies ? Pour le coup, ça risque plus d’être les Téléteubés, mais bon – à noter que le dessin-animé est déjà un carburant à cauchemar à lui tout seul (le bébé-soleil mon dieu…).
Enfin bon, je ne pense pas m’infliger tout ça à l’avenir (mais qui sait…).