Regarder un film de Guy Maddin, c’est accepter de se perdre entre plusieurs degrés de réalité, tout en arrivant à se rattacher à une seule même émotion, qui, souvent, paraît à des années lumières des idées premières abordées.

En plus de rendre hommage à la ville de son enfance, Winnipeg, le réalisateur canadien encense le cinéma dans toutes ses formes, de la fiction au documentaire, tout en s’emparant de tous les codes cinématographiques existants pour en servir une expérimentation filmique terriblement jubilatoire.


L’appellation « faux-documentaire fiction » lui correspond parfaitement, dans le sens où un homme dans un train pense à une ville existante qui ne prend pas vie de la même manière que la réalité le proposerait, on est doublement dans le faux. Il est impossible de cerner ce qui est réel et ce qui ne l’est pas, mais on sait qu’une ville prend vie et on nous sert son portrait politico-social anarchiste.


Un homme dans un train somnole et pense à la ville de son enfance. De cette idée de départ se dresse le portrait d’une ville. Entre réalisme et surréalisme, Winnipeg se dévoile, semblant dans sa diégèse passéiste être également un pur constat de l’époque actuel. Les pensées se mélangent, la nostalgie côtoie de réels questionnements de notre présent, créant dans son ensemble une œuvre d’une grande richesse, où tout n’est pas forcément cernable tant l’univers mental du metteur en scène lui est personnel.


La gourmandise du réalisateur le pousse aux errances impertinentes pour « l’Art », mais elles reflètent exactement le côté « demi-sommeil » de ce personnage fatigué intermédiaire de la narration, qui ne suit aucun fil rouge et dépasse ses propres pensées.


La mise en scène se justifie donc elle-même, la post-production s’empare de tous les codes soviétiques du cinéma, surfant sur le travail de grands metteurs en scène historiquement connus pour leur montage : Dziga Vertov et Sergueï Eisenstein. L’image est granuleuse et la caméra tremblotante, venant renforcer le côté fragile du sommeil, où tout n’est pas limpide, mais où les images restent suffisamment éloquentes pour s’en souvenir au réveil.


Et le tout se révèle, bien que dans un grandiloquent spectacle sans détour, un véritable film qui tend vers l’unique chose palpable lorsque tout se confond : notre rapport au monde et à l’humain.


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le 8 oct. 2024

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Paul SAHAKIAN

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