Preux qui restent
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Pour ceux qui ont déjà goûté au nectar Sideways (et même pour ceux qui viennent juste chercher un film de Noël qui a du cœur... beaucoup de cœur !) : passez vos vacances bien au chaud, enveloppé par la lente sympathie chaleureuse qui émane de ces personnages. Paul Giamatti est plus que brillant dans le rôle du prof désabusé, grognon, qui apprend qu'il doit faire la nounou de l'étudiant qu'il ne peut pas supporter, car ce dernier s'est fait rejeter par sa famille pour les fêtes de fin d'année... Dominic Sessa, dans le rôle de l'étudiant tête-à-claque sous la carapace duquel on sent un grand malêtre, nous intrigue (pourquoi ce gamin passe-t-il Noël tout seul ?), et on n'est pas prêt pour le final (on ne vous dit rien). Ajoutez une cuisinière qui vient de perdre son fils, et qui accueille à bras ouverts les révélations difficiles des deux autres "rebuts" ("holdovers", le titre VO), et vous tenez un film résolument humain, qui préfère regarder les "Sans Noël Fixes", peut-être ceux qui le fêtent pour de vrai. Oui, le film est lent, mais gentiment lent, pour nous faire intéresser à ce binôme inattendu, pour nous souligner sans forcer leur évolution, pour nous faire soupirer devant les paysages enneigés (un vrai film de Noël, sans les carillons pénibles des téléfilms), et nous prépare à la dernière demi-heure qui nous aura ému. La vérité taboue derrière l'éviction du gamin est
un papa qui n'est pas mort, mais fou en asile psychiatrique, et que le fils veut aller visiter, contre le règlement de l'école... Le prof cède, l'accompagne à cette rencontre qui se veut très compliquée pour nos petits cœurs (on voit le gamin être brisé par l'état de son père, et le prof être le témoin impuissant de cette charge mentale trop grande pour un si jeune homme...normal qu'il soit infernal, le prof le comprend enfin). Et de retour au bercail, le groupe enseignant a préparé soigneusement le papier pour virer l'étudiant (l'occasion est trop belle pour se débarrasser d'un "élément à problèmes"), mais c'est le prof qui s'accuse, et prend la sentence pour lui.
The Holdovers, c'est "ceux qui restent", à savoir ceux qui restent bêtement coincées ensemble pour les Fêtes, mais c'est surtout ceux qui grandissent, découvrent l'autre, et finalement "ceux qui partent". Alexander Payne nous a encore chopé par la sincérité de ce récit de Noël soucieux de nous faire détester puis aimer peu à peu ses personnages, exactement comme ils le font dans l'intrigue, on a un peu l'impression d'être Paul Giamatti (excellentissime !) qui grogne sur ce gamin impertinent, puis qui se trouve bête en découvrant la vérité, qui n'a plus qu'un seul objectif : aider le gamin,
quitte à se sacrifier.
Allez, on peut presque sentir la rasade de cognac du dernier plan, ce clin-d’œil savoureux à Sideways : le bon vin, on le goûte et on le crache élégamment, le cognac hors-de-prix d'une élite trop pédante pour s'abaisser à comprendre le malêtre d'un jeune, on le mollarde dans la neige. Bien joué, Alexander Payne, et à la tienne.
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Créée
le 15 déc. 2023
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