Surréaliste...
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le 6 févr. 2018
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Aux premières secondes, de tonitruants grondements précèdent une immersion aveugle : au tréfonds des entrailles d'un monstre, les hommes semblent jouer leur survie. Une carrière de calcaire perdue dans la forêt hivernale sert de cadre à ce premier long métrage danois dont le réalisateur, artiste pluridisciplinaire né en Islande, aborde la narration par le son avant de l'illustrer par l'image.
À décor hostile (l'usine, les arbres nus plantés dans la neige, un habitat semblant provisoire), récit âpre et singulier : socialement maladroit, amoureux d'Anna et dépendant de son frère Johan avec lequel il travaille, Emil fabrique un alcool frelaté qu'il vend à ses collègues, moins pour se faire de l'argent que pour exister à leurs yeux.
Lorsque tout bascule et qu'il perd son statut précaire, mis au ban de l'entreprise (donc du monde), le jeune homme se marginalise davantage : ruminant d'absurdes vengeances, il réagit en animal blessé. Cette dimension presque primitive portée par une mise en scène sensorielle construit l'identité d'un film qui oscille entre le cauchemar éveillé, le conte absurde et l'abandon surréaliste.
La narration linéaire interprète le chaos intérieur d'un personnage inadapté et bafoué dans la seule motivation qui semble l'animer : être aimé. Enfant qui n'aurait pas grandi, Emil s'exprime par le jeu et l'imitation. Incapable semble-t-il de se penser adulte et indépendant (de corps et d'esprit), il observe le petit monde qui l'entoure dans l'espoir d'y jouer un rôle. Privilégiant les plans larges, la caméra semble lui imposer une mise à distance et le place en orbite des autres, collègues, frère, petite amie.
L'approche cinématographique d'Hlynur Pálmason privilégie la simplicité d'un récit dans lequel le mystère du personnage principal entre en collision avec les règles premières de la vie de groupe. Alors que le quotidien des travailleurs ne semble rythmé que par le labeur, les trajets en pick-up et la consommation d'alcool, Emil fait office de "drôle", sorte d'idiot du village à la logique décalée. Son regard tour à tour attentif, vide ou plaintif illustre une quête d'absolu que personne ne veut entendre.
Si Winter Brothers propose une expérience hors-norme, la précision de sa mise en scène le rend parfaitement limpide. Par la maîtrise du rythme, l'économie de dialogues et la durée même du film, Hlynur Pálmason prouve qu'il préfère la rigueur à l'esbroufe. Travaillant le son comme il cadre l'image (à noter la superbe partition de Toke Brorson Odin), le cinéaste donne à son premier long métrage une sorte de "légèreté pesante", combinaison harmonieuse de sourdes bizarreries rendant la noirceur du propos moins oppressante.
Sorte de Stan Laurel scandinave, visage enfantin et corps sans âge, Elliott Crosset Hove s'oppose physiquement à la virilité terrienne de Simon Sears (interprète de Johan), les deux frères allant jusqu'à se confronter physiquement lors d'un combat nu aux allures de lutte antique. La tragédie prend alors tout son sens, celle de héros déchus aux destins dérisoires dont les dernières images du film préservent encore le mystère.
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Créée
le 20 févr. 2018
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