On va sans doute nous dire que l’Islande n’exporte que ce qu’elle juge visible par les continentaux, à savoir un mix plaisant de paysages typés, de personnages gravés dans la glace et de folklore savamment dosé. Sans doute. Il n’empêche que ce n’est pas cette nouvelle livraison qui entamera le capital sympathie de ce pays encore très rare sur nos écrans.
Résolument dans l’air du temps, Woman at war fait de son héroïne une éco warrior un peu atypique, résolue à faire capoter les projets du pays de s’allier à la Chine pour une exploitation lourde des ressources contribuant directement à la catastrophe climatique que nous avons déjà bien entamée. Sabotage sur la lande sauvage pour cette Lara Croft à la cinquantaine flamboyante, chorale le reste du temps : la comédie un peu loufoque est clairement assumée dans l’exposition, soulignée par un running gag mettant un touriste hispanophone en porte à faux avec les autorités, toujours au mauvais endroit au mauvais moment. S’ajoute à cet emploi du temps chargé l’arrivée imprévue d’une fille adoptive l’attendant en Ukraine, et les ficelles sont tendues comme les lignes à haute tension qu’elle dézingue à l’arc.
Le film parvient à tenir une ligne de crête tout à fait plaisante : la comédie du jeu au chat et de la souris avec les autorités, les préoccupations plus grinçantes sur le terreau écologique et surtout idéologique, lorsque les revendications de la « Femme des montagnes » se trouvent détournées par les médias qui en font la terroriste idéale, et le portrait de femme décidant de prendre en main le sort de la planète par les deux cornes : la question globale de l’environnement, et celle individuelle de l’orpheline à recueillir.
S’ajoute une fantaisie transgressive assez amusante : la musique du film, qu’on pense off, se révèle in par la présence à l'écran d’un trio de musicien, bientôt en alternance avec un chœur de trois femmes : l’un islandais, l’autre ukrainien, symboles en attente de fusion pour que la famille désirée puisse émerger. Si l’idée est un peu trop redondante, la place accordée aux musiciens, témoins muet mais actifs (voir la façon dont ils allument la télé pour éveiller la conscience de l’héroïne sur son image dans les médias) est originale et évolutive, et distille des repères qui ponctuent le récit en lui donnant progressivement la tonalité d’une fable.
La géométrie variable du genre lui permet aussi de dévier vers une sorte de survival assez revigorant, qui fait la part belle aux matières (la tourbe, l’eau glacée ou la source d’eau chaude, la glace, le corps chaud du bétail) et donne à l’héroïne un caractère presque primitif qui permet à son personnage de s’épaissir considérablement sans s’embarrasser de vains discours. La sœur jumelle permet en outre un duo plutôt original et ménage (avec quelques grosseurs dans les ressorts, il est vrai) un dénouement qui prend des allures de conte, sans pour autant occulter la gravité qui motivait en premier lieu. Le plan ultime, immergeant les personnages jusqu’à la taille, montre avec lucidité qu’on peut se ménager un répit dans le monde sans que sa course folle n’en soit pour autant entravée. Acide épilogue pour un film moins fantasque qu’il n’y parait, et qui nourrit sa trajectoire d’un pessimisme courageux.