A 82 ans, et au beau milieu de la tourmente provoquée par la vague #Metoo (qui a sérieusement perturbé la sortie du film), Woody Allen parvient encore à nous surprendre et à nous enchanter avec ce « Wonder Wheel », où il revient au New-York de son enfance et plus particulièrement à Coney Island, station balnéaire de Brooklyn ( enfance symbolisée par ce petit gamin roux fuyant les cabinets de psy pour se réfugier dans les salles obscures …) Il prend ici le contre-pied de son opus précédent (le réjouissant « Café Society »), pour nous emmener dans une histoire très sombre, au ton amer et désenchanté (dans l’esprit de son « Blue Jasmine » ou de son plus ancien « September »)
Méconnaissable, vieillie, élargie et peu à son avantage, Kate Winslet incarne parfaitement cette amertume dans ce rôle bouleversant de serveuse à l’aube de la quarantaine, rongée par la jalousie et les désillusions d’une vie manquée. Face à elle, la rafraîchissante Juno Temple représente la candeur et une jeunesse perdue, James Belushi est massif et impressionnant, Justin Timberlake avec sa voix de canard ou ses apartés face caméra nous rappelant lui qu’on est chez Allen.
Le réalisateur de « Manhattan » rend ici clairement hommage au théâtre de Tennessee Williams, avec ses entrées ou ses sorties dans un décor quasi-unique ( un appartement situé au-dessus de la grande roue), cette atmosphère étouffante et cet affrontement psychologique entre les personnages, souligné par un jeu sur les couleurs et les éclairages , à l’instar du « Coup de cœur » de Coppola.
Pour ce qui sera peut-être son dernier film (il semble désormais black-listé à Hollywood), Woody Allen nous propose une fin prenante, dérangeante, pessimiste, et nous laisse encore un sentiment d’admiration, augurant déjà du manque que son absence des écrans suscitera.