Depuis 5 ans, j'ai abdiqué en regardant le genre devenir un prolongement des séries télévisées, et pas les meilleures. En somme, aucune cohérence d'ensemble ni sur les films solos ni sur les trilogies persos et encore moins sur les réunions de super-héros. Ce qu'il reste, c'est un positionnement démago visant à caresser le fan dans le sens du poil et une absence de motivation pour singulariser l'œuvre attendue. La norme, c'est une ville passée à la broyeuse (minimum), des enjeux coupés de toute forme de crédibilité et des placements de produits en guise de héros/héroïnes. Puis évidemment la promesse que la prochaine fois, ce sera encore mieux. Sur le papier, qu'est ce qui pouvait bien m'indigner avec Wonder Woman 1984 ? Rien. Et pourtant, je m'indigne. Ça arrive souvent quand on voit de bonnes volontés se faire écraser par le cahier des charges.
Pendant une heure, Patty Jenkins prend le contre-pied de beaucoup de ses collègues qui enchaînent les rebondissements et la pyrotechnie et elle fait bien. Ce n'est peut-être pas d'une subtilité exemplaire mais les personnages ont assez de place et d'air pour vivre. Le fait d'avoir jeté son dévolu sur une histoire évoquant autant l'hommage à la Quatrième Dimension qu'au Superman de Richard Donner permet au film d'assumer une nature de conte moral assez kitsch. Eh bien ça marche, car l'écriture se polarise d'abord sur les émotions humaines, ce qui favorise l'identification aux personnages. Certains peinent à faire leur deuil, d'autres se dévalorisent par rapport aux autres. Même l'homme d'affaires archétypal (Maxwell Lord) suscite un peu d'empathie, son avidité étant mûe par un désir aussi humain que celui de la revanche. Partir d'un postulat aussi intimiste qu'universel (vous avez droit à un vœu, que faîtes-vous ?) change quand même pas mal la donne comparé aux sempiternelles histoires de domination du monde/de la galaxie, toutes plus infantiles les unes que les autres. Hélas, c'est sur ce terrain aberrant que va se paumer Wonder Woman dans sa deuxième moitié.
À partir du moment où l'intrigue s'emballe, le script se vautre. Non content de multiplier les grosses incohérences à un rythme effarant, ce deuxième volet fait "avancer" ses enjeux à coups de facilités et d'ellipses totalement incongrues. Si encore la progression loufoque de l'antagoniste (Pedro Pascal, très bon) peut se justifier par la ritournelle greed is good caractéristique des années 80, rien ne sera plus douloureux que le traitement indigne réservé à l'irrésistible Kristen Wiig. La destinée de sa Barbara était une des belles promesses de la première partie, son revirement incompréhensible est à l'image d'un Wonder Woman 1984 incapable de s'affranchir des mauvais réflexes. Le spectacle enfle jusqu'à perdre tout sens des proportions, l'ambiance 80's est un cache-misère superficiel et même la candeur finit par jouer contre le film. Jusqu'à ce final hautement gênant avec ses effets visuels torchés (ils le sont d'ailleurs sur tout le film). Même Hans Zimmer semble s'être réglé sur le mode mineur pour cette séquelle, en recyclant les motifs des précédents films du DCEU.
Au final, je comparerai l'expérience à une sorte d'ascenseur émotionnel. J'ai commencé par y croire avant de me résigner à le voir. Ce cahier des charges qui impose, qui enferme et détruit à petit feu les beaux efforts. Patty Jenkins et la comédienne Gal Gadot ont manifestement conscience des espoirs placés en elles et de la nécessité d'un personnage fort. Mais ce n'est pas en le cloisonnant dans une formule qui a déjà largement montré ses limites que Wonder Woman pourra briser ses chaînes. Tout au plus retiendra-t-on le film pour le contexte inédit dans lequel il est sorti. Et même sur ce terrain, la victoire n'a pas été remportée...