Il n'est pas 8h00 mais 7h60, un palmier est un sapin, le pourquoi du logo d'une pizzéria devient question existentielle, toute personne est susceptible de vous parler de Maître Chang, on aime repeindre les voitures, un jardinier mort n'est pas mort mais mort quand même, une femme que vous ne connaissez pas un jour plus tôt s'installe chez vous, y refait la déco et est enceinte de vous, les étrons canins ont un subconscient, les Bruno finissent tous par se pendre.
Si vous ne comprenez rien à cette introduction, c'est que vous n'êtes probablement pas familier de l'univers, il est vrai singulier, de Quentin Dupieux. Il est évident qu'on peut rester définitivement à la porte de ce monde mais quand on y trouve sa place, Dieu sait que c'est bon.
"Nonfilm", "Steak", "Rubber", plus les films passent et plus je me sens chez moi chez Quentin. Jusqu'à "Wrong Cops : Chapter 1 - Monday", je me permettais encore d'émettre quelques réserves sur le réel talent du bonhomme, et bien que je sois totalement fou (sans que j'arrive véritablement à en identifier la raison) des films de l'Oizo, j'avais cru remarquer une sorte de "recette" dans son cinéma.
Mais là, je dois dire qu'il m'a une fois de plus renversé, piégé, hypnotisé durant 90 minutes. Avec "Wrong", Dupieux signe son film le plus abouti, le plus riche. Sous son vernis farfelu se cache une histoire bouleversante de simplicité, une réflexion terriblement pessimiste sur l'homme et sa solitude.
Et dorénavant j'en suis certain, Dupieux le dadaïste est avant tout un grand cinéaste, l'homme qui "filme américain" comme personne, et qui sait installer une véritable atmosphère, parfois suffocante, pas si loin d'un Lynch.
Que les choses soient dites, le monde se décompose maintenant en deux clans : ceux qui prennent Dupieux pour le plus grand des bobos-usurpateurs et ceux qui le voient comme le chaînon manquant du cinéma contemporain.