La contrée du mindfuck est une terre très peu connue de l'Homme, rares sont ceux qui osent s'y aventurer... Elle est peuplée de films de réalisateurs indépendants, cachant quelques belles trouvailles qui ne demandent qu'à être dénichées, mais aussi et surtout de deux grandes dynasties puissantes: les lynchéens et les dupieux. Ces films vivent sur cette province sans forcément se connaître et règnent en maître, inspirant bons nombres de réalisateurs qui aimeraient se lancer dans l'aventure...


Je me présente, PsycOx: "cinéphilophage" en herbe, pas forcément très courageux mais pathologiquement curieux... Je ressens un besoin inexplicable de partir à la conquête de ces terres, tant elles me fascinent, c'est en quelque sorte ma malédiction. Au cours de mes voyages en ce monde mystérieux, j'ai appris à aimer chacun des membres de ces deux grandes familles, mais aujourd'hui un membre attire toute notre attention, le fils aîné des Dupieux, le dénommé "Wrong". Ca fait un petit moment que je le connais, mais depuis que je l'ai rencontré j'ai du mal à me remettre de mes émotions. Bon histoire de mettre les choses au clair, et éviter de passer pour plus fou que je ne le suis, je n'y pense pas à longueur de journée bien sûr, mais il m'arrive de repenser de temps en temps à ma première rencontre avec ce dernier... On va passer sur les détails temporels, mais grosso-modo à l'heure où je rédige ce rapport, cette rencontre date de plusieurs mois. Wrong est fascinant... passer du temps en sa compagnie procure une sensation étrange... un genre de malaise. C'est une caractéristique commune chez les deux grandes familles, pourtant un détail les oppose: si les lynchéens causent toujours de trucs sombres, noirs et de l'ordre du fantasme, chez les dupieux l'heure est plus à la rigolade. Néanmoins le résultat est le même, c'est une expérience unique que nous apporte leur compagnie.


Trêve de plaisanteries... parlons du film si vous le voulez bien.


Wrong c'est l'histoire d'un type qui perd son chien et qui veut le retrouver. Ouaip, fin du speech. Au réveil il se rend donc compte que son chien a disparu, et va tout entreprendre pour retrouver ce dernier. Fort heureusement il est épaulé par une série de protagonistes tous plus loufoques les uns que les autres. Vous pouvez choisir votre personnage préféré entre le jardinier qui dessine comme un enfant de cinq ans, le détective privé (oui parce que afficher sur des poteaux électriques des photos avec votre numéro de téléphone pour retrouver votre animal disparu, qu'on se le dise c'est pas très fun) spécialisé dans les excréments, ou encore Maître Chang: l'homme "mystérieux" qui n'a de chinois qu'uniquement sa coupe de cheveux et son nom, que tout le monde connaît sans exception et qui est spécialisé dans la télépathie animale... mais personnellement j'ai un faible pour le voisin qui nie totalement le fait qu'il fait du jogging tous les matins et qui décide un jour de partir avec sa voiture et de rouler le plus loin possible !


Et c'est là qu'on se rend compte de la première force du film. Ces personnages sont inutiles et indispensables à la fois. Ils ne vont en aucun cas contribuer à la résolution du problème initial mais vont chacun à leur manière apporter quelque chose au film. Ce sont ces mêmes personnages qui vont donner corps à l'oeuvre (...ainsi que les nombreux détails absurdes qu'on ne compte même plus au bout de cinq minutes passées devant Wrong). Le film n'a pas besoin d'un scénario qui tient la route, la logique n'existe pas chez Dupieux, il faut prendre cette expérience pour ce qu'elle est et oublier vos standards et vos normes en matière de cinéma dès l'instant où vous entamez son visionnage. Il n'en est pas pour autant vide de sens ou d'intérêt, on retrouve une certaine critique de la société derrière les réactions extrêmes de chacun des personnages...


Un autre gros point fort du film est dans la mise en place de son ambiance. L'image semble constamment voilée donnant une atmosphère générale vaporeuse, un genre de brouillard synthétique. Les musiques, signées Mr Oizo qui n'est autre que Dupieux lui-même, sont pesantes et amplifient ce sentiment étrange (dont je parlais précédemment) que procure son cinéma.


Il serait injuste de ne pas toucher quelques mots pour le casting, qui contribue activement à la réussite de l'oeuvre. Pour n'en citer que quelques uns: Jack Plonick, pas vraiment connu chez nous, mais qui assure le rôle principal avec brio; pas facile de se mettre dans la peau d'un véritable paria. Eric Judor, acteur dont le simple nom pourrait en effrayer plus d'un, est juste génial dans le rôle du jardinier un peu simplet. Ou encore William Fichtner, qu'on retrouve avec plaisir, qui incarne le fameux Maître Chang, personnage clef du non-déroulement de l'histoire...


Je considère Wrong comme le film le plus "dupiesque" de sa filmographie, celui qui va le plus loin dans sa démarche, et dans lequel je retrouve tout ce qui fait que j'aime son travail. Je vous invite vivement à vous lancer dans cette expérience si vous vous sentez prêt et que vous avez l'esprit ouvert, c'est juste renversant.

Psycox
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le 18 mai 2015

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Psycox

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