Dupieux poursuit sur la lancée de son cinéma de l'absurde et du non-sens rigolo. Un film déjanté!

Quentin Dupieux, réalisateur de l'absurde et du non-sens rigolo, poursuit sur sa lancée en nous offrant cette année "Wrong Cops", un film moins surréaliste que ses prédécesseurs mais non moins déjanté !

"Non-Film", "Steak", "Rubber", "Wrong", "Wrong Cops"... Tous ces films qui constituent la filmographie de Quentin Dupieux sont liés par un même et unique style, propre à Dupieux, et une envie de bouleverser les codes et les situations dites 'normales' pour en faire ressortir le côté absurde, irréel voire même surréaliste ! Cela dit, contrairement aux films de David Lynch où l'intention de mettre en scène le surréalisme est accompagnée d'un sens profond faisant directement référence au monde de l'inconscient, des rêves et des cauchemars, l'univers de Dupieux est lui un univers dont les codes sont bouleversés, distordus et renversés de manière à faire ressortir cette absurdité considérée comme 'réelle' ou 'acquise' présente dans la vie de chacun. Aussi, là où l'univers cauchemardesque de Lynch nous déstabilise et nous met mal à l'aise, la mise-en-scène de Dupieux prend la thématique à revers et transforme toutes ces bizarreries en humour et autres situations comiques, allant jusqu'au bout de sa démarche absurde.

Cela dit, Quentin Dupieux modifie quelques peu sa méthode avec le présent "Wrong Cops". Alors que ses précédents films appartenaient clairement à un 'univers' absurde différent du nôtre, avec des situations telles qu'un pneu est capable de vivre ("Rubber") ou qu'il soit possible qu'il pleuve à l'intérieur d'un bâtiment et non à l'extérieur ("Wrong"), "Wrong Cops" nous montre quant à lui un univers qui, en fin de compte, pourrait tout à fait être le nôtre, car l'absurdité ne se manifeste que dans le comportement des personnages et non au niveau des codes mêmes de l'univers dans lequel ils vivent!

"Wrong Cops" est un ensemble de sketches et de mini-scènes où nous découvrons des flics agissant différemment de la manière dont ils sont supposés agir. Le monde qui les entoure, quant à lui, ne présente aucune différence avec le nôtre, ce qui induit que les situations montrées dans "Wrong Cops", au contraire des autres films de Dupieux, pourraient vraiment avoir lieu dans notre réalité! Parmi les personnages, nous trouvons un flic qui vend de la drogue en la distribuant à l'intérieur de cadavres de rats, un autre tente de percer dans la musique, une flic se montre corrompue et envoie des menaces à un individu pour avoir son argent tandis qu'un autre menace des femmes avec son revolver pour voir leur seins... Et l'ensemble de ces personnages et des situations auxquelles ils sont confrontés donne lieu à des situations tordues, déjantées et pour le moins comiques!

Ce côté absurde et moins surréaliste de "Wrong Cops" rend pour ainsi dire le film plus abordable au public peu accoutumé à perdre ses repères. D'un autre côté, peut-on dire que cette absence de surréalisme apporte un plus ou au contraire un moins dans la filmographie de Dupieux ? Pas vraiment étant donné que son univers se centralise en tout et pour tout sur la thématique de l'absurde, qu'il se manifeste dans un monde réel ou surréaliste! Aussi, bien plus que de dénoncer l'absurdité de notre monde, Dupieux va même jusqu'à évoquer l'absurdité des films, comme il l'avait déjà fait de manière plus explicite dans "Rubber". Le meilleur exemple est notamment cette scène où Marilyn Manson, incarnant un jeune un peu idiot, questionne un policier sur l'absence d'une machine à dactylographier dans son bureau d'interrogatoire alors qu'il y en a toujours une dans les films. Il en conclut donc qu'il n'est pas dans un film! Par le biais de ce genre de scènes, Dupieux ne fait qu'exprimer la même idée qu'il exprime à travers chacune des scènes de ses films: il interroge la réalité et ce que nous en connaissons pour acquis et la modifie de telle manière à en tirer un nouveau sens, une nouvelle réalité, mais absurde celle-là.

Si la démarche semble simple et basique, elle est pourtant beaucoup plus difficile qu'il n'y paraît. Car le but n'est pas seulement de déformer la réalité pour le simple plaisir de la déformer, encore faut-il la transformer en quelque chose d'autre, de manière à créer une nouvelle réalité, et de compléter ce cycle absurde propre à Dupieux. La fin de "Wrong Cops" est d'ailleurs très bien écrite car elle nous présente de très bonnes idées véhiculée à travers les profondes paroles d'un policier, relatives d'ailleurs à la seule et unique réalité que tout être humain considère pour acquise: la mort. Mais, alors que nous prenons part à ce discours sur la mort comme un nouveau commencement, Dupieux déforme encore une fois cette réflexion et s'en moque ouvertement, accomplissant ainsi sa théorie de l'absurde et allant même jusqu'à défier la vie et la mort et à les réduire à l'état d'absurdités elles aussi!

Du reste, "Wrong Cops" remonte un peu le niveau suite au un peu plat "Wrong" sorti deux ans plus tôt. Reprenant sa méthode aisée de tournage avec un reflex 5D, son montage efficace, son humour déjanté ainsi que ses musiques bizarroïdes et uniques composées sous son pseudonyme de Mr. Oizo, Quentin Dupieux nous garantit un agréable voyage vers son univers absurde et comique, et le moins que nous puissions espérer est qu'il développe encore et encore cet univers de manière à obtenir un jour une œuvre encore plus poussée et aboutie au niveau de sa réflexion absurde.
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le 10 sept. 2014

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