X-Men est sans doute l'une des sagas les plus schizophrènes jamais portées à l'écran. Il y eu deux très bons premiers volets, jusqu'à la catastrophe de Ratner ; vint ensuite le désastre du prequel sur Wolverine ; et enfin un X-Men: Le Commencement rafraîchissant, mais certainement pas époustouflant. Et il faut bien reconnaître qu'à côté des productions Marvel Studios (Iron Man, Captain America...) et autres pépites "Nolaniennes", X-Men faisait pâle figure. Pas que le concept soit mauvais, non, bien au contraire, il fait sans doute partie de l'un des plus porteurs; mais on craignait qu'au bout du septième volet, il s’essouffle. Il n'en est rien.
Le picth étant assez compliqué à décrire par écrit, mieux vaut vous référer aux bandes-annonces. Days of Future Past est en tout cas le film le plus cher de la 20th Century Fox depuis Avatar. Gros pari en vue pour Bryan Singer, donc. Grosse ambition, totalement assumée, et totalement logique au vu du résultat final. En une minute à peine, les bases sont posées et très justement narrées, fondations d'un scénario ultra-abouti, constitué de voyages dans le temps, d'ellipses et autres trips que seule cette saga pouvait nous procurer. Mais, ne se contentant pas de balancer la trame d'un seul coup, Singer prend le temps de nous raconter les détails d'une histoire assez complexe mais finalement tout à fait compréhensible pour n'importe quel initié. Se connectant constamment à des faits réels, historiques, c'est là que DoFP se démarque de tous les autres : non seulement il prend l'Histoire (avec un grand H) à témoin, mais mieux encore, il la met à son service, il la fait jouer et s'amuse de grands moments tels que la guerre du Viêt Nam ou l'assassinat de Kennedy. L'idée de base est géniale, sa mise en place l'est encore plus. Plongé dans les seventies, l'aventure de nos mutants est encore plus belle, coincée entre une époque propice à l'enchantement général et une "réalité" des faits terrifiante. Au milieu de tout cela, il y a Wolverine, meilleur que jamais, que l'on croit au centre de l'intrigue mais qui ne sert finalement que de fil conducteur pour le spectateur. Les deux personnages qui tirent véritablement leurs épingles du jeu, sont - sans aucun conteste - Mystique et Magneto. Mystique, pour son caractère décisif totalement impromptu mais magistralement orchestré ; Magneto pour son dimorphisme et sa démence sans équivoque, sont les plaques tournantes du film, portés par deux acteurs dont le charisme n'est plus à prouver. À ce propos, la gestion des personnages est une réussite totale : ils sont nombreux, voire très nombreux, mais la réalisation de Singer est si habile que chacun y trouve sa place et qu'aucun ne semble faire de la figuration, tous jouant leurs rôles avec un sens du groupe remarquable. Et quand on voit qu'Avengers parvenait d’extrême justesse à caser tout le monde à sa juste place, on se dit que Singer est un génie.
Peut-être, après tout. Car si ses dizaines de clins d’œil aux précédents volets cachés un peu partout tout au long du film ne sont pas les meilleurs porteurs de cela, que dire de quelques scènes, purs merveilles cinématographiques ? On pense, évidemment, à celle de Quicksilver (oui, oui, car c'est bien SA scène), dont le traitement est absolument parfait, mêlant travellings époustouflants, musique old school, et humour débridé avec un tact rare. C'est ce qui fait toute la force de ce septième X-Men : le mélange des registres. Passant d'un instant à l'autre du tragique à l'épique (Singer fait de la littérature, ouais ouais), en passant par le pathétique pendant un quart de seconde, sans jamais échapper à la fluidité narrative qui le caractérise, il manie avec brio enjeux politique (il en est beaucoup question, Trask se positionnant en chef militaire salvateur), historique (on vous passe tous les spoils), mais surtout social. Car oui, Singer fait aussi dans le social. Non pas parce qu'il réussit à réunir toute la bande d'acteurs des deux générations confondues, mais parce que son film est porteur d'une réflexion, qui, à l'heure actuelle - celle du racisme ordinaire -, est bienvenue. Les mutants offrent en effet tellement de relectures possibles ; et le discours final de Magneto (qui dérape totalement ensuite, moment parfait où l'on comprend que le manichéisme n'a pas sa place dans les grands films) sonne comme le point d'orgue d'une mentalité transposée à l'écran avec une acuité impressionnante ("Vous cherchez à nous éliminer car nous sommes différents et l'humanité n'a jamais accepté la différence" quelque chose comme ça). Le final est bien entendu majestueux et témoigne de tous les paradoxes antérieurs du film (ne pas confondre paradoxe et incohérence) : à la fois fin et commencement ; tout est finit mais rien n'est encore fait. Tout est possible.
Singer nous livre donc un petit bijou de cinéma. Éclectique car mélangeant les genres avec une habileté rare, il prouve à tout le monde et surtout aux psychorigides que blockbuster n'est pas synonyme de débile, mais que son film est bel est bien égal de chef d'oeuvre. Assurément le meilleur de la saga, X-Men : Days of Future Past écrase Marc Webb d'un seul orteil, renvoie Joss Whedon au bac à sable d'une main, et chatouille Chritstopher Nolan de l'autre.
Ouais, la conclusion est pourrie.