« Mutation. It is the key to our evolution. » PROFESSOR CHARLES XAVIER

On se souvient, que milieu des années 2000, le studio de production 20th Century Fox propose au réalisateur britannique Matthew Vaughn de clore la trilogie X-Men de Bryan Singer. Le cinéaste avait refusé, jugeant qu’il n’avait pas encore les épaules assez solides.

Brett Ratner prend alors son relai, une décision qui provoque la panique des fans craignant une rupture trop brutale avec la vision de Bryan Singer. X-Men : The Last Stand sort ainsi le 24 mai 2006 et reste depuis, l'opus considéré comme le plus faible de la trilogie. Mais ce n'est rien par rapport à X-Men Origins : Wolverine, spin-off centré sur Wolverine et initié par la 20th Century Fox désireuse de pas lâcher la franchise. À l'affiche en 2009, il subit des critiques encore plus assassines, partout dans le monde.

Pour effacer ses échecs, la 20th Century Fox marque la volonté de revenir aux sources. Ils demandent alors à Bryan Singer de reprendre les commandes, même si il leur précise qu'il n'aura pas le temps de réaliser l'opus. Il se limite alors à son écriture, garantissant ainsi le respect de sa vision développée dans les deux premiers opus. Bryan Singer reconnaissant à l'occasion que l'idée de ces origines lui trottait dans la tête depuis longtemps. À l'époque, le projet X-Men Origins : Magneto était encore d'actualité, mais Bryan Singer décide de fusionner les éléments de ce dernier au projet X : First Class.

Bryan Singer travail sur le scénario avec Zack Stentz et Ashley Miller, les scénaristes de Thor. De plus, soucieux de ne pas voir son travail dénaturé, Bryan Singer exige de voir confier la réalisation à Matthew Vaughn, celui qui avait refusé de clore la trilogie de ce même Bryan Singer. Les deux hommes se connaissent bien et partagent, en effet, la même sensibilité. Ils livrent ainsi à eux deux un scénario qui sonne parfaitement juste, aidé par Jane Goldman (qui a écrit sur Stardust et Kick Ass de Matthew Vaughn).

Le scénario gagne, il est vrai, en humanité dans une histoire qui reste assurément celle de super-héros. S'éloignant sensiblement du comics X-Men : First Class de Jeff Parker et Roger Cruz publié en 2006, les auteurs vont jusqu'à réinventer la mythologie des mutants. Pour cela, ils reviennent à la Seconde Guerre Mondiale. Le temps fait ensuite son œuvre et s'arrête au début des années 60 : le monde joue alors encore à se faire peur et le risque d'un conflit atomique, entre les deux grands puissances de l'époque, que sont les USA et l'URSS, n'a jamais été aussi fort. En replaçant le contexte dans une épisode historique emblématique, les auteurs rendent de fait l'univers des X-Men encore plus passionnant. Au delà des morceaux de bravoures, le spectateur assiste, en effet, à une recherche psychologique des personnages très fouillée. Le parcours des anciens les révèlent comme jamais auparavant tandis que la définition des nouveaux est incroyablement riche.

Dès la première séquence, prolongement de l’introduction du premier opus, on sent que Bryan Singer et Matthew Vaughn comptent bien imposer leur vision. Et si l’idée de raconter comment tout a commencé n’est pas nouvelle, le traitement qu’ils imposent aux personnages risque d’en épater plus d’un. En encrant leur intrigue dans les années 60, à l’aube de la crise des missiles de Cuba, Singer et Vaughn offrent un contexte historique passionnant, apte à mettre en valeur les thématiques mutantes et la mythologie qui en découlent, en plus de donner à leur film des allures de récit d’espionnage. Une sorte de réalité parallèle à la nôtre, terrain de jeu idéal à une bande de super-héros en devenir. Le contexte posé, restait maintenant à créer de véritables protagonistes. Et c’est là que de passionnant, le film devient carrément génial.

Le professeur Charles Xavier, le futur Professeur X, est interprété par James McAvoy. Acteur remarquable, il rend son personnage terriblement humain. Il est bien sûr un jeune adulte fougueux, plein d'assurance mais arbore déjà les prémices de la sagesse qui le caractérisera par la suite et qui lui vient de cette inébranlable foi dans l'humanité. Erik Lehnsherr, alias Magneto, est encore plus troublant. Joué à merveille par un Michael Fassbender tourmenté à souhait, il est un personnage complexe dont la vie est parsemée de doutes et de souffrances. Le spectateur découvre ainsi l'origine de sa haine pour les humains tout comme son amitié touchante avec le Professeur X. Leur opposition en ressort plus forte encore, à la hauteur du vrai lien qui les a uni un temps. Malgré leur volonté commune de protéger les mutants, ils ont une approche différente dans leur combat.

La relation ambiguë entre Charles Xavier et Magneto apporte une accointance politique, et une dualité qui rappelle évidemment les méthodes diamétralement opposées de Malcolm X et de Martin Luther King. Cet opus est sans doute l'épisode qui représente le mieux l'amitié impossible entre les deux protagonistes. La genèse d'un affrontement historique, une opposition idéologique passionnante, qui restera le fil conducteur de cette nouvelle saga.

De leurs côtés, ils pourront comptés sur Jennifer Lawrence en Mystique, Nicholas Hoult en Fauve, Lucas Till en Havok, Caleb Landri Jones en Hurleur et Edi Gathegi en Darwin. Ils sont tous géniaux dans leur rôle de jeune mutant voulant apprendre. Rose Byrne complète l’équipe des X-men en étant la seule sans pouvoir dans la peau de l’agent Moira McTargget.

Meilleur est le méchant, meilleur est le film. Dès sa première apparition, Kevin Bacon se révèle comme l’un des vilains les plus réjouissants vus au cinéma depuis belle lurette. Terrifiant lorsqu’il opère pour les nazis, mielleux et pervers à souhait lorsqu’il conte fleurette à Emma Frost, Sebastian Shaw est un authentique salaud comme on en voit peu.

Le Hellfire Club de Sebastian Shaw est complète par January Jones en Emma Frost, Jason Flemyng en Azazel, Alex Gonzalez en Riptide et enfin Zoe Kravitz en Angel. Des prestations plus timides, mais non moins marquantes, surtout dans les scènes d’action.

Reste à noter le cameo hilarant de Hugh Jackman en Wolverine.

Dans le récit, les tensions montent crescendo à mesure que les grands événements de la Guerre Froide surgissent. L’atmosphère électrique ronge une association initialement employée par la CIA à des fins gouvernementales pour aboutir sur une bipartition originelle du groupe. Une à une, chaque personnalité est comme suivie de l’âge tendre ou depuis l’adolescence vers une fin pressentie au bout de deux heures de film. Réintroduites avec précision, les personnalités et les pouvoirs à première vue absurdes trouvent des sources, des explications et des justifications dans le choix qui a mené chaque personnage à l’avenir qui est le sien. Dès lors, Mystique ou le Fauve prennent davantage d’ampleur à l’aune d’éléments explicatifs. Ce sont, aussi, les apparences les plus troublantes dans d’autres réalisations vis-à-vis d’autres mutants plus humains d’apparence. L’immersion du spectateur est facilitée grâce, en grande partie, à un contexte réaliste et vraisemblable qui permet de suivre aisément un univers jusqu’alors impénétrable.

Techniquement malgré un changement de directeur de la photographie en cours de tournage Ben Davis (qui connaît Matthew Vaughn ayant travaillé sur Kick Ass) remplaçant John Mathieson, le film conserve une unité visuelle avec des couleurs vives qui collent parfaitement au style des sixties et des comics. La direction artistique est impeccable avec un hommage au design de Ken Adam décorateur légendaire des James Bond et de Stanley Kubrick. A noter les composition flatteuses de Henry Jackman (compositeur de Kick Ass également) avec un thème puissant pour Magneto, un des meilleurs de ces dernières années.

Globalement, que penser des premiers pas remaniés des X-Men ? Savoir ne pas en faire trop et intéresser un nouveau public à l’aide d’astuces et d’une simplicité qui sait se rendre intéressante. Le défi n’est pas simple, mais il est séduisant en repartant sur des bases justifiées et fondées sur des arguments qui rendent le discernement entre Bien et Mal moins manichéen, moins distinctif, et surtout, historiquement et socialement raisonné. En pleine lumière, les thèmes de la ségrégation, de la saisie de la différence comme outil, sont retranscrits avec un regard que l’on pourrait qualifier de redoutable. Si bien qu’un spectateur peu averti voire quasi réfractaire aux X-Men en viendrait à vouloir découvrir la suite.

StevenBen
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le 7 janv. 2024

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Steven Benard

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