Un Affrontement Final les avait empêché de soigner leur sortie. Les Origins d'un mutant griffu avait porté un vilain coup aux projets de retour aux sources ambitionnés par la 20th Century Fox. Les mutants revenaient donc bien malgré eux à une sorte de case départ créative.
Ou de bégaiement, comme semble le faire présager cette scène d'ouverture faisant écho, seulement onze années plus tard, aux premières secondes mises en boîte par Bryan Singer dans la boue des camps de concentration. Devant ce portail tordu. Devant cet enfant qui hurle après avoir été séparé de sa mère.
Mais là, en 2000, s'arrêtait le premier film célébrant les X-Men. Matthew Vaughn, quant à lui, va plus loin, en montrant la torture psychologique nazie, ses expériences barbares suggérées. Matthew Vaughn va plus loin en tordant le comics, en introduisant un vilain qui n'avait jamais encore été employé dans la mythologie cinéma des enfants de l'atome, dont l'interprétation aussi délicieuse que vicieuse de Kevin Bacon, pourtant tout en retenue, rehausse immédiatement le charisme.
Matthew Vaughn saisit aussi l'idée de retour en arrière qui animait X-Men Origins : Wolverine pour la convertir en coup de génie. Car en collant à la véritable Histoire avec un art constant de l'ellipse, il inscrit ses héros dans les affres de leur temps, en donnant une épaisseur supplémentaire à leurs divergences, à leurs affrontements, à leur vision des peurs propres aux années soixante marquées par la constante menace de la bombe atomique.
Ce rapport à l'Histoire donne toute sa saveur à ce Commencement, tout comme ses accents propres aux premiers films de James Bond, à leur goûts pour les méchants plus grands que nature et mégalos, à leur attrait pour les QG secrets nichés derrière des portes pivotantes ou encore pour les sous-marins embusqués. Le tout dans quelques éclairs pop du meilleur effet, finissant de rendre hommage à l'époque et le feeling que l'oeuvre ne cesse d'inspirer pendant la projection.
Si Xavier et Eric sont encore une fois de la partie, leur relation fraternelle et fratricide est ici beaucoup plus explorée, beaucoup plus mise en avant, incarnée par la dynamique évidente existant entre James McAvoy et Michael Fassbender. Relation portée sur un plan presque politique qui n'aura jamais autant fait penser à la confrontation des idéaux de Martin Luther King et Malcolm X. Leur schisme final n'en acquiert que plus de force, tout comme la vendetta entreprise par Magneto, qui défie constamment les limites de la classification faussement familiale du PG-13 d'une simple pièce de monnaie. Et entre ces deux-là, il ne s'agit plus de mettre en avant Wolverine, mais de pousser Mystique au premier plan, afin de parler de l'impossible assimilation de la différence et de l'étranger dans la société construite par l'homo sapiens.
Le tout s'inscrivant dans un sentiment d'urgence savamment mis en scène, alors même que X-Men : Le Commencement, prend son temps pour installer son casting semi-renouvelé, pour donner à chacune de ses composantes le moyen d'exister à l'écran sans pour autant peser sur le rythme du film. C'est sans doute là, dans sa gestion sans faille d'un film choral, que Matthew Vaughn marque le plus de points, et alors même qu'il ne rechigne jamais à faire parler la poudre d'une action haute en couleur, à l'image de l'attaque du yacht de Sebastian Shaw menée par Magneto, de l'apparition d'Azazel ou d'un climax tendu, spectaculaire et échevelé.
Matthew Vaughn arrive donc à inscrire de nouveau les X-Men sur les rails d'un succès créatif que la franchise n'aurait jamais dû quitter. Inspiré, adulte, cool, d'une efficacité à toute épreuve tout en restant étonnamment humble, ce Commencement a en effet tout de la renaissance la plus fulgurante qui soit.
Behind_the_Mask, les deux faces d'une même pièce.