On le sait au cinéma le dépassement de temps est un soucis qu'il faut éviter à tout prix si on veut rentrer dans ses sous. Donc vaut mieux pas s'éterniser sur l'histoire et vaut mieux pas fignoler tel le Kubrick moyen si on veut pas se retrouver à bouffer des patates à l'eau. C'est le crédo de Jean-Pierre Mocky, qui se défend après tout, tant qu'il y a de l'humour pour faire avaler la pilule.
Le pitch du film a dû être écrit entre la poire et le fromage sur une serviette en papier posée sur un coin de table, mais comme le principal pour Mocky et Frédéric Dard qui a participé aux dialogues et au scénario c'est de rigoler des cons, et ben Dard et Mocky vont sortir leur canon à cons, tout en finesse (c'est de l'ironie). D'abord bien sûr pour arroser les flics_ ça marche toujours de cracher sur eux _ entre le personnage vulgaire de Jean-François Stévenin, un genre de Bérurier mais en moins drôle, à la fois obsédé par le sexe de Jacqueline Maillan, à voile et à vapeur et ripou, et celui de Jean-Luc Bideau, un incapable qui ne pense qu'à sa mutation, ils ont un beau costard. Puis on arrose ces cons de CGTistes par l'intermédiaire de Galabru, qui gueule comme un veau contre ce salaud de politicien Victor Lanoux, mais en sa présence une seconde après lui cire les pompes en lui donnant du Monsieur le Président. Salauds de pauvres, tous des lâches! Tel est le message. Et ensuite on arrose tous les personnages féminins d'une bonne dose de grosse misogynie, ça marchait à l'époque.
L'enquête du début, une vague histoire de papier disparu, sera passée à l'as, mieux vaut improviser, ça coûte pas plus cher et puis garder le fil conducteur d'une enquête c'est bon pour le Hitchcock moyen et ça prendrait des plombes, déjà que le film dépasse d'un quart d'heure les 1H30 habituelles… Alors puisqu'il a recruté un chanteur, Jacques Dutronc, Mocky va basculer sur des histoires de chantage, ni vu ni connu on change de sujet. Dutronc toujours à l'ouest comme dans tous ses films ira rejoindre les autres acteurs en roue libre qui ne sont là que pour faire bouillir la marmite de leur petite famille, comme Dominique Lavanant qui accepte sans rechigner de jouer les obsédées sexuelles, elle devait avoir besoin de fric à ce moment-là. Pour terminer on passe sans transition de la grosse caricature à une note pseudo romantique où Mocky nous sert en guise de dessert de la guimauve entre le vieux routier de la politique corrompu touché par la grâce de l'amour et une pure jeune fille du peuple de 17 ans. Du grotesque on est passé à la romance et même au discours politique moraliste histoire d'essayer de faire digérer la daube. Mais la leçon de morale même ornée de guimauve ne passe pas après les situations lourdes farfelues jouées par les seconds rôles fauchés que l'on nous a servies jusque là. On a franchi à maintes reprises la ligne blanche du grivois, du lourdingue et du graveleux en ressortant la bonne vieille excuse de vouloir provoquer ces cons de bourgeois. Le tout laisse l'impression d'un film bâclé filmé sans empathie, sans fil conducteur et même improvisé. Mais le plus étonnant c'est que le film a bien marché à l'époque, 800000 entrées, l'un des meilleurs scores de Mocky qui pourtant a fait plusieurs films bien meilleurs, ce qui ne manque pas de poser question sur la mentalité des années 80 en France où on lisait Hara-Kiri et où Coluche se présentait à l'élection présidentielle avec des chances de gagner. Je n'ai aucune nostalgie de cette époque où le cinéma américain était en train de reléguer définitivement un certain cinéma français aux oubliettes.