On le sait, c’est le second film qui est toujours le plus compliqué à produire et réaliser. Pour l’iranien Massoud Bakhshi – qui avait été révélé en 2012 à Cannes, à la Quinzaine des Réalisateurs, avec son premier film Une famille respectable –, il aura fallu attendre 8 ans avant de le voir revenir sur les écrans. Yalda, la nuit du pardon a été présenté en première mondiale lors du Festival de Sundance en ce début d’année 2020.
Yalda reprend certains codes du (désormais courant et presque un genre en soit) film de procès, pour les adapter avec efficacité à l’environnement de la télévision. En effet, l’intégralité de l’intrigue se déroule sur le plateau et dans les coulisses d’une émission particulièrement populaire en Iran : Le plaisir du Pardon.
Au visionnage de Yalda, je n’ai pu m’empêcher de faire un parallèle avec Money Monster, le film de Jodie Foster présenté à Cannes et sorti en 2016. Bien que singulièrement différents dans leurs scénarios et leurs mises en scène, ces deux films prennent un plaisir certain à nous faire visiter l’envers du décor d’un plateau TV et les rouages des émissions en direct.
Dans Yalda, l’attention est portée aux switchs de caméras afin de capter le moindre détail du visage des invités, aux indications données au présentateur à l’oreillette par le réalisateur du show, à l’envoi des pages de pubs pour cacher un accroc dans le direct, et jusqu’au démontage final du décor de l’émission, révélant une grande scène de théâtre et ses rangées de sièges vides.
Le pouvoir des images et la manipulation des téléspectateurs à travers les choix de montage sont deux thématiques très bien traitées, qui sous-tendent le film du début à la fin.
Unité de lieu donc, mais également unité de temps. L’ensemble de l’intrigue se déroule la nuit de Yalda, une fête iranienne très importante.
Pour dormir moins bête ce soir, c’est le moment du « Le sachiez-tu ? »
Le Yalda est l'un des quatre grands événements du calendrier persan. Il s'agit en fait de la célébration du solstice d'hiver, qui se déroule donc le 21 décembre. Elle célèbre la naissance de Mithra, le dieu du soleil.
Côté intrigue, le but de l’émission est de confronter une victime ou un parent de victime avec un repris de justice, dans l’optique d’obtenir pour ce dernier le pardon. En cette 23e émission du Plaisir du Pardon, le sujet du jour concerne Maryam, jeune fille de 22 ans arrivée menottée au studio de tournage et qui a déjà passé 15 mois en prison après avoir accidentellement tué Nasser Zia, son mari et employeur, de 40 ans plus âgé. L’accident s’était produit alors que le couple se disputait au sujet d'une grossesse non désirée.
Ayant plus tard perdu son enfant lors de l’accouchement, Maryam est condamnée à la peine de mort par pendaison, conformément à la Loi du Talion (= « Œil pour œil, dent pour dent »), en vigueur dans ce pays. Seul le pardon officiel du membre de famille le plus proche de Nasser pourrait la sauver. Il s’agit en l’occurrence de la fille du défunt, Mona, ancienne amie de Maryam. Le but de l’émission est donc d’obtenir le pardon de Mona envers Maryam, sur les antennes en direct, afin que celle-ci puisse être graciée.
Ce pardon semble au premier abord bien difficile à obtenir pour Maryam, car la douleur et la rancune sont toujours bien présents dans le cœur de Mona.
La mise en scène de Yalda est particulièrement réussie : à aucun moment l’ennui ne pointe le bout de son nez, ce qui aurait facilement pu être le cas aux vues de l’histoire de famille sordide et de l’économie de décors de ce huis clos. Au contraire, les décomptes du direct, les incessants appels et SMS reçus par les protagonistes, les annonces des votes du public en faveur ou en défaveur de la grâce de Maryam, rendent le film assez pêchu et rythmé.
Voilà un film intelligent et assez passionnant, qui surprend notre bonne morale occidentale par certains us et coutumes iraniens plutôt traditionnalistes, et qui pose la question de la manipulation des publics par le montage des images. Quand la vie ou la mort d’un condamné devient un jeu télévisé où les chiffres de l’audimat sont rois, ce spectacle médiatique ne peut que nous faire réfléchir sur notre monde actuel…