"C'est ça le drame : on t'écoute quand tu fais du bruit, qu'tu casses, ou qu'tu pointes une arme"

Y a des jours comme ça où c'est compliqué... Notamment des lundis. La journée de taf a été fastidieuse, on s'est tapé des réunions de syndic jusqu'à pas d'heure. Bref, on est un peu lessivé. Du coup on a envie de mater un truc sympa pendant le diner, mais pas un truc trop trash (je fais parti de cette race de gens suffisamment débilos pour avoir essayé de mater le film La Plateforme à table... Une erreur que je me suis promis de ne plus réitérer!!), pas un truc trop lourd, pas un truc trop mauvais et surtout, surtout, pas un truc trop long.

Et là, qu'est-ce que je m'aperçois-je? J'ai le film Yannick à disposition. Un film d'une heure pile-poil. C'est parfait! D'ailleurs au passage, une question qui m'interroge : peut-on encore à ce niveau, parler de "long-métrage"?... Jean doute et moi de même.

Le choix était plus que judicieux. Non seulement j'ai évité le piège de me coucher à une heure hindou. Non seulement j'ai passé un bon moment. Mais en plus c'était un moment un peu méta, puisque quelque part, le film parle un peu de ça : des gens KO comme moi qui veulent juste un petit moment hédoniste pour se ressourcer.

Bon, ça ne parle pas que de ça. Le film, mine de rien et nonobstant sa durée très brève, brasse énormément de thème, plus ou moins entremêlés et plus ou moins diffus :

Les rapports de domination, le renversement de ces rapports, la misère sociale, le rapport aux règles, notamment de "bienséance", l'hypocrisie du paraitre, la science du malaise, la peur du jugement d'autrui, le mépris de classe, les difficultés à écouter l'Autre, la création artistique, le rapport au public, la question de la critique (qui là aussi, a un échos particulier dans le cas d'un membre assidu d'un site comme SC, où l'on pratique l'art de dénigrer de façon parfois un peu aveugle et mesquine, moi le premier).

Bref, mine de rien et sans être pédant, c'est relativement riche.

Et tout le monde en prend pour son grade, tout le monde est maltraité, ridiculisé. Tous sont bouffons à leur manière ; l'actrice qui ne pense qu'à elle, l'acteur dont le verni fini par craquer et salement craquer, la tête de con qui "pue de la gueule", les jeunes pas très dégourdies du bulbe, le vieux pervers, le couple de bourgeois triste et ce bon vieux Yannick, qui, s'il peut avoir un côté attachant d'un certain point de vue, est quand même sacrément malaisant et insupportable par beaucoup d'aspects.

Alors au registre des reproches, je dirais que, ironiquement, certains dialogues font trop impros et finissent par sonner faux. Ils auraient peut être mérités d'être parfois mieux ciselés. Certains passage faisaient trop caricaturale à mes yeux et ce même si je reconnais que globalement, la performance de l'acteur de Yannick était magnifique.

C'est aussi assez surprenant de la part d'un réal', dont je ne connaissais jusque là que 2 films il me semble (Réalité et Le Daim) que j'ai bien aimé tous deux, mais qui donnaient à fond dans le surréalisme et l'absurde total.

Là si on peut pinailler éventuellement sur le réalisme de l'attitude du public, qui me semble bien calme et bien complaisant au vue de la situation, reste que le film a un ton très terre-à-terre, très réaliste, presque "snuff-movie" (entre guillemets), qui jure complètement avec ce que je connaissais de son style jusqu'ici.

Pour conclure un très bon p'tit film, sympathique et assez riche, qui ne déborde pas d'une ambition démesurée, mais qui sera sans doute suffisamment encré dans le concret pour parler (en bien ou en mal) à tout le monde ou presque.