Avant-propos : Il y a du spoiler uniquement lorsque c’est indiqué, vous pouvez donc vous aventurer dans la lecture de cet écrit sans problème.


Vous n’avez sans doute pas entendu parler de You’re Next, et en tant que combattante des injustices avertie, je viens réparer cette erreur.


Ce film a été mon tout premier coup de cœur de l’année 2015, comme quoi, ça sert de faire des listes SensCritique. C’est donc un film que je porte dans mon cœur et qui m’a laissé un bon souvenir. Cependant, je tiens à vous informer que ce n’est pas LE film qu’il faut absolument voir, celui dont vous vous souviendrez dans dix ans, ni celui qui révolutionnera votre perception sur le cinéma et la vie en général.
Non, You’re Next n’a pas cette ambition. Il est simple sans être simpliste, percutant sans être inoubliable, honnête sans forcément donner dans l’intellectuel. Il n’est pas original, pas merveilleux, mais il n’en reste pas moins intéressant, divertissant et plaisant.


Le pitch est simple : la famille Davison se réunit dans leur maison de campagne pour fêter l’anniversaire de mariage des parents. Pendant le dîner, alors que les enfants et leurs conjoints respectifs s’échangent des paroles plus ou moins cordiales, une bande de psychopathes portant des masques d’animaux les attaquent…
V’voyez ce que je vous disais vis-à-vis de l’originalité ? Maintenant, vous ne pouvez pas vous sentir trompés et vous pouvez regarder ce film en toute connaissance de cause, parce qu’il vaut vraiment le coup d’œil. Et si ça peut vous aider, sachez que le film a reçu quelques chouettes récompenses, comme le Prix du jury Syfy au Festival international du film fantastique de Gérardmer ou le Prix TSR du public au Festival international du film fantastique de Neuchâtel, et quelques autres encore. Et si ça permet de faire pencher un peu plus la balance, sachez que le réalisateur est Adam Wingard, à savoir le géniteur de V/H/S et de sa suite. Bon personnellement, j’ai pas aimé du tout, mais apparemment, ces films ont été encensés, alors si c’est votre trip, tapez dans le fond…


Au lieu de vous tenir encore des heures sur « pourquoi voir You’re Next avec des arguments bancals et peu approfondis », je préfère vous allonger la marchandise dès maintenant et vous dire POURQUOI j’ai ADORÉ.


Le film se présente comme un slasher home invasion, sous-genre d’un sous-genre donc, impliquant une multitude d’idées résumées et remixées dans un seul et même film. Le pari est risqué, encore plus quand on veut faire un film d’horreur (même si ici, on est plus dans le thriller qu’autre chose), mais je trouve réellement que You’re Next s’en sort avec les honneurs. Dans votre tête résonne sûrement « American Nightmare », d’autant que les affiches des deux œuvres se ressemblent, n’ayant pas vu celui-ci, je ne peux pas m’essayer à la comparaison. Je tiens juste à dire que You’re Next dégage une ambiance particulière, une atmosphère qui nous prend aux tripes dès le début. La petite introduction nous laisse présager à un foutu merdier pour les personnages qui suivent, mais surtout à un massacre au hasard, ce qui n’a pas l’air d’être le cas… Plus loin, une fois que les brèves présentations sont faites, on rentre dans le vif du sujet, et les assaillants arrivent vite sur le tapis (sens propre comme figuré) pour dézinguer à tout-va les membres de cette sympathique famille d’apparence normale. A l’instar des victimes, on a du mal à comprendre réellement ce qui se passe dans cette maison devenue un véritable champ de bataille : mékikison, koikiveul, kanteskonariv ? Ce n’est qu’en même temps que les survivants qu’on aperçoit quelques éléments de réponse, qui étaient quand même captés d’avance (j’vous refais le laïus sur l’originalité ou c’est bon ?), et donc qu’on arrive à comprendre les enjeux de ces tueurs.


Pourtant, même si le film balance dans le convenu en ce sens, il arrive à sortir des sentiers battus sans réelle peine. Il nous évite donc le très connu « c’est pas moi, c’est lui », qui aurait pu être transformé dans le contexte familial, avec un truc du genre « Papa et Maman t’ont toujours tout laissé faire » ou que sais-je. Bref, on remercie le réalisateur qui nous sort de ce pétrin et qui passe donc à côté de la case gerbe, tout en faisant de ses personnages des combattants qui veulent survivre avec hargne. Le point fort du film, c’est le personnage principal. C’est la nouvelle copine d’un des fils de la famille, réservée, timide, sage, elle est la pièce rapportée insignifiante aux yeux des autres membres de la tablée, et pourtant, elle se révèle être la personne qui sauvera (enfin tentera de le faire) les autres occupants de la maison. Elle interprète un personnage singulier qui se défend tant bien que mal contre ces enfoirés de psychopathes. Et là où je trouve le film assez fort, c’est qu’il ne nous met pas en scène une guerrière, ancienne championne de krav-maga ou fille cachée de Chuck Norris, non non, elle est simplement une fille normale [SPOILER] qui a été élevée par son père dans une communauté de survivalistes. Alors oui, forcément, ça a moins de la gueule, et les survivalistes représentent maintenant les p’tits foufous de l’humanité, mais j’ai trouvé ça brillant et honnête de nous présenter ce genre de personnage, plutôt qu’un autre qui aurait eu le don de nous prendre pour des billes. [/SPOILER] La nana en question n’est donc pas infaillible, pas immortelle, elle en prend plein sa race quand on la frappe, mais à côté de ça, elle sait rendre les coups et a des ovaires en acier. Elle défend les membres de sa belle-famille, ce qu’il en reste en fait, en élaborant quelques pièges qui en font la sœur spirituelle de Kevin McCallister. La scream queen n’en est plus une, puisqu’ici, elle se transforme en adversaire redoutable du trio de tueurs aux masques d’animaux, et ça permet de souffler par rapport aux autres œuvres qui présentent ce genre de caractéristiques pour des rôles uniquement masculins. Après le petit tour des autres personnages qui sont caricaturaux, elle reste bien entendu la seule à montrer de l’intérêt et à laquelle on s’attache, elle est charismatique, ce que les autres ne sont pas, en tout cas, c’est difficilement concevable avec une présentation torchée en 30 secondes. De là à en vouloir au réalisateur, non, puisque l’importance des autres est reléguée à celle de crever, alors on va dire que c’est un mal pour un bien, même si l’émotion que l’on voudrait susciter à chaque mort ne nous atteint pas plus que ça, puisque les seules secondes où l’on a connu ces personnages, ceux-ci nous ont paru soit antipathiques, soit plus inutiles que les autres...


A côté de ça, le manque d’originalité fait son œuvre dans certaines scènes, notamment la toute dernière qui nous plonge dans un énième twist final qui n’apporte rien et ne sert qu’à alimenter le film d’une part de mystère qui s’est fait cramer depuis de longues minutes. Un peu trop inspiré de la saga Scream sur certains aspects (surtout pour l’identité de l’instigateur du massacre notamment), You’re Next arrive à composer avec des touches d’humour noir, comme c’est le cas entre la confrontation frère-frère au sous-sol, et explose le quota d’hémoglobine et de violences sur certaines scènes. Certaines morts sont surprenantes, effroyables, mais toujours terribles. C’est peut-être là le problème : cette volonté d’en donner trop, de chercher à chaque meurtre une façon hyper calculée de faire mourir le personnage, ça lasse un peu, on a vraiment l’impression d’être dans le trop. Certaines scènes sont inutiles, par contre, dans ces dernières, beaucoup parlent de la scène d’introduction, je la trouve juste magnifiquement horrible, c’est grâce à elle qu’on est dans le ton et qu’on perçoit le reste du film comme il (n’)est (pas). Puis la musique qui accompagne cette scène est captivante, limite hypnotique, alors quand on l’entend de nouveau, on ne peut pas s’empêcher d’avoir froid dans le dos, tout en ayant l’envie morbide de regarder la suite des événements. J’ai trouvé une certaine similitude avec La colline a des yeux, dans le sens où la plupart des personnages sont décimés en peu de temps et dès le début. Là encore ça nous met dans le bain très vite, mais ça se révèle efficace puisque on nous montre que You’re Next ne fait pas dans le détail et se montre violent dans la mort de ses personnages, tant sur le fond que sur la forme. En ce sens, le film est parfaitement bien rythmé, même si la deuxième moitié s’essouffle peu à peu, pour la simple et bonne raison qu’il n’y a plus trop de monde à tuer… Sauf dans le camp d’en face, qui va naturellement subir quelques pertes avec toujours autant de violence, mais je trouve, avec moins de saveur.


Le film est, dans sa quasi-totalité en huis-clos, ce qui permet de se servir au maximum de la grande maison comme décor, qui d’une part, présente autant de ressources que l’héroïne, et qui d’autre part, est au fur et à mesure à l’image des morts de l’habitation : les murs, les sols, les plafonds, tout est recouvert de sang, de cadavres et d’autres blessures difficilement effaçables. Je n’irai pas jusqu’à dire que la maison est ultra-importante, mais je trouve que son utilisation a été fort bien faite. Elle nous garde à l’intérieur, aussi coupés du monde extérieur que les personnages, et donc éloignés de toute potentielle solution ou aide quelconque : on ne sait pas ce qui se passe dehors, mais on n’en sait pas plus à l’intérieur… C’est pourquoi chaque scène à l’extérieur se révèle importante (l’introduction, la petite sortie maladroite pour nous faire voir que les voisins sont ceux qui ont été sauvagement butés et la fin) et qu’à chaque fois qu’un membre de la famille essaye de sortir, ses efforts sont vains, la scène sur la sœur qui court est juste terrible, même si l’effet de ralenti gâche un peu la surprise, mais permet de composer entre une certaine douceur et violence.


En somme, je dirai qu’il ne faut pas voir You’re Next dans l’espoir d’y voir une œuvre parfaite, mais au contraire, d’accepter ses défauts qui en font une œuvre singulière. C’est un savoureux mélange entre horreur et second degré, sans jamais nous définir de véritable cadre auquel s’accrocher. Certes, c’est absurde malgré quelques volontés de réalisme, c’est pas original, c’est quelquefois maladroit, mais le film n’essaye jamais de nous prendre pour des cons et réussit toujours à nous divertir, à ne jamais nous lâcher grâce à son rythme, tout en nous apportant une héroïne combattante qui n’est pas dénuée d’humanité et qui sait ressentir la douleur, comme toute personne normalement constituée.

Szagad
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le 24 juin 2015

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