Je ne suis pas sûr que le film soit aussi équilibré et pertinent que ce qu'on le lui prête.
Je suis assez abasourdi qu'avec un sujet pareil l'islamophobie et le racisme concret et réel soient aussi tuent.
La séquence entre Bedia et Lapons m'a estomaqué quand la conclusion est que Youssef parle trop des arabes ! Déjà, il n'a fait qu'un roman (calmons nous), et puis encore une fois, c'est facile de faire ce reproche quand on est pas concernée par le racisme. Et c'est adoubé par Youssef à la fin du film !
Le personnage de la féministe sur le plateau télé me fait également grimacé. Vraiment ? C'est pertinent de la montrer crier à l'agression sexuelle parce que Youssef lui a tiré la langue ? En quoi cela diffère de la vision d'un Michel Sardou ?
Je remarque que le personnage de Youssef ne s'en prend pas aux deux autres intervenants du plateau qui se réjouissent clairement de la critique des arabes dans le roman. Bon, y'a une ligne où Youssef est inquiet de ce dont il a l'air. Bon. Mais rien ne remet ses dires de l'émission en question.
Il y a autant nécessité à critiquer l'hypocrisie de familles arabo-musulmane ? Ce n'est pas déjà éculé ?
Pourquoi le film fait le choix de représenter cette famille comme il le fait ? Cela ne remet en tout cas pas en question la vision Cnewesque et Bfmtvesque des arabes/musulmans en France.
Il y'a la sœur musulmane et donc pénible/obsédée par ça qui voit de l'islamophobie partout (quelle idée) et la lesbienne dans le placard parce que les parents le prendraient mal.
Bon.
D'accord. Pas très original.
Il me semble qu'à vouloir jouer sur la représentation, notamment via la mise en abîme avec le roman, mais également les émissions de télévisions, la résonnance médiatique couplés aux séquences plus intimes, le film pense être malin et fini par mettre en place beaucoup de poncifs éculés.
On ne peut pas mettre un (soyons fous, plusieurs) personnages arabes (et pourquoi pas musulmans devenons zinzins) qui parlent normalement, sans hystérie, sans avoir forcément des cadavres dans le placard montrant leur hypocrisie ? Il faut forcément adresser une critique envers l'identité arabe dans chaque personnages ? Et je ne parle pas du troisième rôle ayant deux répliques évidemment.
Le journaliste Mouloud Mimoun (avec qui je suis en profond désaccord concernant Bac Nord notamment), écrit : "Baya Kasmi, qui s’est inspirée de Philippe Roth et de sa série littéraire Nathan Zuckerman, a transposé l’idée dans une famille algérienne. Dans la série américaine, la première chose que le père de Zuckerman lui demande quand il apprend que son fils écrit un livre est : « Est-ce que d’une façon ou d’une autre, Hitler aurait pu se réjouir de ce que tu as écrit ? », et c’est exactement ce que le père aurait pu demander à son fils Youssef : « Est-ce que Le Pen pourrait se réjouir en lisant ton livre ? »" avant de continuer à faire l'éloge du film.
Je ne comprends pas comment on peut écrire cela et ne pas dire oui. Oui Le Pen pourrait se réjouir. C'est ce que lui dit également la féministe, mais bon, elle est ridicule donc son avis ne compte pas. Youssef ne lui répondra d'ailleurs pas sur ce point quand il arrivera sur le plateau.
Dans sa note d'intention, Baya Kasmi déclare :
" [Mon 1er film] a été reçu sous un angle sociétal, et on m’interrogeait sur l’immigration, l’islam, les cités, le voile… J’avais l’impression que tout le monde voyait le film comme une thèse sociologique sur les maghrébins de France, que la question de la représentation des arabes y était centrale, qu’on me disait, « ah, ils sont exactement comme ça » ou alors « on n’est pas du tout comme ça… » [...]
[Pour Youssef Salm] je me suis dit qu’il fallait écrire cette histoire-là, dans la France d’aujourd’hui, avec un écrivain d’origine algérienne. Cette histoire n’a pas été racontée mais elle aborde pourtant des questions brûlantes et invisibles : est-ce qu’en France l’arabe a droit au romanesque ? Est-ce qu’il a le droit à la tragédie, à une dimension mythique ou universelle, en dehors de son appartenance sociale et religieuse ?"
Je comprends ce que la réalisatrice a voulu faire, mais à ce moment on fait un film sur un personnage qui se trouve être arabe, et non un film sur la représentation d'un arabe d'une famille musulmane venant de la banlieue.
Vu comment Youssef parle de Youssef, je préfère effectivement qu'il parle de Paul.
Comme disait par ailleurs le Paul des Paul :
"Qui sème chichement moissonnera chichement ; qui sème largement moissonnera largement"
Article de Mimoun : https://www.histoire-immigration.fr/hommes-migrations/musees-partages/youssef-salem-a-du-succes
Note d'intention de Baya Kasmi : https://medias.unifrance.org/medias/171/235/256939/presse/youssef-salem-a-du-succes-dossier-de-presse-francais.pdf