Youth a quelque chose de perturbant parce qu’il est comparable à un miroir qui refléterait la réalité morbide de cette fin de route à laquelle personne n’aime penser. La vieillesse, celle qui détrousse les génies de la possible exploitation de leur potentiel alors qu’il est toujours présent en eux, bouillonnant dans leurs artères. La démonstration est un peu brutale, parfois facile, mais elle a le mérite de repousser dans ses retranchements le petit humain qui se croit à l’épreuve du temps en le confrontant à son éphémère condition.
Tout cela non sans une pointe d’humour et un parallèle réussi entre insouciance d’une jeunesse qui espère bien vieillir et perte de vitesse de ses aînés qui se battent, tant qu’ils le peuvent, pour ne pas vivre seulement dans leurs souvenirs. Sorrentino oblige, les différents tempéraments qui se croisent sont fort marqués et donnent lieu à des situations amusantes qui sont les bienvenues pour désamorcer, en partie, la mélancolie qui berce l’ensemble de son film.
Pour donner le sourire aux petits cœurs qu’il malmène, Sorrentino peut compter sur deux grands pontes du cinéma américain des années 70, les fanfarons grisonnants Michael Caine et Harvey Keitel, qui n’ont rien perdu de leur superbe. Toujours armés de leurs charismes légendaires, ils sont l’antithèse même de ce que s’échine à illustrer leur metteur en scène : l’âge n’entame en rien le talent si l’esprit persiste. Autour d’eux gravitent des seconds rôles particulièrement impliqués mais un seul sort vraiment du lot, et avec les honneurs. Paul Dano impressionne en trouvant le ton juste entre apathie maladive et angoissante quête de soi, reléguant au placard le physique si particulier qui a fait sa réputation ; il est plaisant de le voir jouer autre chose que le petit gars a la tête étrange.
Si l’on excepte son rythme un peu trop lento par moment ainsi que certaines facilités exploitées par Sorrentino pour émouvoir son audience (la fin est très belle, mais c’est un peu fastoche d’aller chercher la larmichette avec une Diva qui concurrence dans les aigus la martienne bleue de Besson), Youth est une parabole convaincante sur la condition d’être humain, en tout cas dans sa manière d’aborder l’impuissance de l’homme face au temps, et ce, même si le message qui se planque derrière tant d’agitation est finalement assez commun : il vaut mieux éviter de se morfondre pour rien et profiter pleinement de la vie avant que cette dernière ne se fasse la malle. Facile à dire mon p'tit Paolo, damn !