Au sortir de la seconde guerre mondiale la monarchie parlementaire rétabli, ce à quoi s'oppose le plus-puissant-que-jamais parti communiste, auréolé du statut de libérateur de l'Europe (du moins de l'est). Le conflit dégénère rapidement en guerre civile, dont le monarchiste sortent vainqueur grâce au soutien logistique des Etats-Unis. Les communistes sont contraints à l'exil, comme la majorité des forces de gauches. La famille de Costa-Gavras en fait parti, et comme chacun sait ils trouvent refuge en France. Suite à cette guerre civile un gouvernement très autoritaire est instauré, qui n'hésitera pas à user et abuser des méthodes de coercition les plus violentes. Le Député de la gauche progressiste Grigoris Lambrakis sera une des victimes de ces méthodes. Il sera assassiné en 1963, ce qui inspirera un roman à Vassilis Vassilikos, qu'adaptera Costa-Gavras, de retour aux affaires grecques.
Un long mais nécessaire préambule pour comprendre le contexte dans lequel s'inscrit le premier volet d'une trilogie de thriller politique qui hissera Costa-Gavras jusqu'au cercle très fermé des cinéastes engagés. Si entre l'assassinat de Lambrakis et la réalisation de Z le putsch des colonels a renversé la monarchie, la dictature des colonels ne vaut guère mieux en tant que régime démocratique. Costa-Gavras ne fait pas que régler ses comptes avec la Grèce. Il se fixe l'ambitieux objectif de réveiller l'opinion publique occidentale à une époque où les dictatures poussent comme des champignons : Cuba, Haïti, Cambodge, une bonne partie de l'Afrique et de l'Amérique du sud, sans parler du bloc soviétique et de la Chine.
L'objectif est au moins en partie rempli. Z est récompensé au festival de Cannes, obtient l'oscar du meilleur film étranger et quelques autres prix assez prestigieux. Mais que vaut ce film en 2018 (moment ou j'écrit cette critique)? Il est toujours hélas d'actualité, les affaires d'assassinat politique occupent régulièrement les pages de nos journaux. Et Z reste un film de cinéphile intello, tandis que Le Crocodile du Botswanga n'est pas pris au sérieux.
Vous trouvez que je n'ai pas parlé de Z? J'en ai déjà bien assez parlé mais allons-y. La réalisation de Costa-Gavras est percutante et dynamique, bien qu'il filme comme un documentaire pour ancrer son histoire dans le réel. Yves Montand, et surtout Jean-Louis Trintignant sont littéralement habités par leur rôles, étant eux-mêmes des acteurs très engagés. Z est un thriller politique bien plus captivant que Les Hommes du Président ou Le Dossier Odessa. Et c'est un film français mesdames et messieurs!