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6.8
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Documentaire de Avi Mograbi (2009)

Le sens du devoir doit-il gouverner la conscience ?

La tentative de « Mea Culpa » d’un soldat israélien ayant tué deux policiers palestiniens, le tout retranscrit par l’intermédiaire de la caméra de l’infatigable Avi Mograbi marque assurément les esprits. Plusieurs réalisateurs ont tenté d’expliquer l’inexplicable, la décision de tuer un semblable, mais la manière utilisée par le réalisateur pour traiter le sujet à la fois d’une manière très professionnelle et comique rend ce documentaire totalement à part. Il apporte notamment plus d’informations à la fois sur les raisons profondes qui pousse un être à « tuer », et d’un point de vue plus global sur l’ensemble du conflit israélo-palestinien.


En effet, encore une fois M.Mograbi parvient à traiter une différente thématique de ce conflit éternel, le comportement de l’armée israélienne, souvent reconnue comme étant la meilleure armée du monde. On découvre notamment les faces cachées de cette organisation militaire, malheureusement souvent exposée aux médias internationaux. Nous sommes également conscient en lançant ce documentaire que l’armée de l’Etat d’Israël est un sujet très sensible, dans un pays que l’on a découvert au travers de ces précédents longs métrages.


Mais, comme toujours avec ce réalisateur et cette capacité d’innovation, et cette manière de rentrer dans le registre de la comédie pour donner un double sens à sa pensée. Avi est capable d’exprimer librement son opinion et faire partager ses convictions. Il serait également logique d’insister sur le fait que ce réalisateur fait parti des meilleurs en termes de réalisation de documentaires actuellement, tant son approche entre la fiction et la réalité est habilement menée. Cette créativité, se distingue dans cette oeuvre, par exemple quand il s’improvise chanteur dans son appartement, dans un réel orchestre ou accompagné d’un pianiste dans son appartement, où encore apparaître cagouler pour son entrée en matière.


Ainsi, pour débuter ce long métrage, Avi Mograbi décide de se déconnecter totalement de la fiction, en invitant le spectateur à découvrir les protagonistes, le soldat et sa femme échangés librement en face de la caméra. On voit notamment des « acteurs improvisés », totalement décomplexés dans leurs échanges face à la caméra ce qui accroît l’intérêt des spectateurs, tant ils peuvent comprendre voire s’identifier dans ces personnages. Cette entrée en matière est à la fois appréciable pour les « connaisseurs », tant le réalisateur tente une nouvelle fois d’innover, mais elle est sans doute un peu trop osée pour quelqu’un qui découvrirait sa filmographie. Cette introduction est également un peu décousue, il est vrai qu’il est très compliqué de suivre clairement la ligne directrice du réalisateur. Mais, lorsque l’on voit M.Mograbi cagoulé, expliquer clairement quel va être l’objet de cette oeuvre, on commence ainsi à être véritablement captivé par cette « oeuvre noire ».


Tout d’abord, on distingue clairement que l’armée Israélienne ne conçoit pas des guerriers mais véritablement des machines de combat. En effet, le soldat interviewé apparaît être une personne déterminée et programmée, avec notamment ce type de citation « chacun se prend pour Chuck Norris« . Ce protagoniste montre également à quel point l’homme est formaté pour devenir une arme fatale prête à accomplir sa mission ultime pour servir les intérêts d’un conflit qui supervisent très souvent de façon superficielle. Mais, l’intérêt de cette oeuvre est de voir comment par l’intermédiaire du septième Art, cette machine peut retrouver son aspect naturel, un être humain.


Par la suite, au cours des échanges, on passe dans plusieurs mondes, un guerrier agressif qui tente de se repentir, un réalisateur s’improvisant chef d’orchestre. Mais tout ces enchaînements peuvent laisser à désirer, et effrayer le plus grand nombre tant il est compliqué de suivre clairement la pensée du réalisateur. On pourrait aussi constater que par moment, certains plans sont totalement manqués, et qu’à vouloir trop innover on finit par gâcher par intermittence un véritable potentiel de création.


Concernant notre cher ex-soldat, on s’aperçoit que ce qui finit par atteindre l’ancien combattant, c’est la répétition des gestes, qui en deviennent une formalité et peu à peu on pourrait dire qu’il s’instaure une brutalité naturelle. A l’image du moment où le soldat avoue avec un calme assez perturbant que « tirer sur des enfants pouvait être un ordre comme un autre ». Le spectateur est ainsi enclin à se demander si il n’est pas normal pour un guerrier et potentiel meurtrier de respecter des ordres irréels, où ôter la vie d’un être n’est plus qu’un simple paramètre.


On pourrait ainsi supposer que les chefs de l’armée israélienne au travers de cette oeuvre, sont les commandants de l’irréels, avec une réelle déconnexion par rapport aux principes de l’humanité, comme si la guerre était un monde sans limite. Par ailleurs, tout cette réflexion provient majoritairement, après avoir pris du recul sur ce documentaire très lent et difficile à supporter. Mais, par la suite, nous sommes en mesure d’établir des analyses plus pertinentes sur la volonté du réalisateur. Par exemple, ce film est typiquement l’oeuvre que l’on se passerait de revoir une deuxième fois.


Le reproche majeur que l’on pourrait faire au réalisateur est sa volonté absolue d’être au plus proche des réalités. Mais, cette volonté de s’astreindre des codes cinématographiques lui fait réellement perdre sa valeur intrinsèque, puisque certains passages sont véritablement trop amateurs.
Cependant, cet aspect de réalité permet également au réalisateur de « banaliser la vie d’un meurtrier » que l’on finit rapidement par s’attacher et presque à l’excuser de ses péchés. On vient même à compatir parfois avec ce soldat, lorsque sa femme tentant de comprendre ses gestes « c’est si absurde que je ne trouve pas le mot juste » ou encore « je ne te considère pas comme un assassin mais je ne comprends pas pourquoi tu les as tué ». Au fur et à mesure on comprendre clairement que l’armée c’est la déshumanisation de l’être, où l’homme est arme, et la conscience n’est dictée que par l’ordre.


Même si parfois, l’homme refait surface, et il est assez compliqué d’accepter cette transition. A l’image de ce passage où il affirme avoir été le soir-même des meurtres, à un concert avec ses amis comme si de rien n’était. Comme si il était vidé de tout ses sens, et que le regret pouvait avoir lieu seulement en dehors de son champs d’action professionnel, l’unité israélienne. Mais, on comprend clairement que ce passage est un moment indispensable pour que le soldat puisse extérioriser ce qu’il aurait toujours pensé garder en lui-même.


Par la suite, Avi Mograbi, entraîne le soldat jusqu’au lieu où il a tué deux policiers palestiniens, ce moment est très astucieusement choisi, puisque à la fois cela permet au spectateur de visualiser la scène du crime et au soldat de terminer son Mea-Culpa. A ce moment là, on peut pense régalement que la jeunesse des troupes est aussi un facteur d’influence, puisque toutes les unités sont composées selon ses dires, de jeunes prêts à tout. Ainsi, on pourrait supposer que les armées jouent sur ce critère pour pouvoir manipuler et influencer leurs consciences.


Ensuite, concernant le réalisateur on ne peut que louer sa capacité à créer et à se différencier de ses semblables. Il y a des moments qui sont réellement osés et terriblement efficaces, tel que parler de son film dans son film, lancer les crédits 20 minutes après le début du documentaire et changer les floutages des protagonistes qui suivent l’évolution du Mea Culpea. En effet, au début de ses aveux on retrouve des protagonistes totalement floutés et au fur et à mesure, Avi Mograbi propose un floutage très proche de la réalité, comme si après avoir imploré pardon par le biais du septième art le soldat était redevenu homme, et était en droit de s’affichait tel qu’il est vraiment.


Globalement, cette oeuvre est très compliquée d’accès, de part un rythme très lent et assez pesant volontairement choisit par le réalisateur pour montrer le poids de porter dans sa vie l’âme de deux personnes. Un choix critiquable à première vue tant on finit par se lasser de ses témoignages, mais à la fin de ce documentaire, nous sommes persuadés d’avoir vu quelque chose de grand, avec une énergie « noire » unique. Dans ce documentaire, la conscience du soldat est livrée au grand public, où l’on distingue une culpabilité omniprésente d’avoir été endoctriné de cette manière. En somme, ce documentaire mérite d’être visionné notamment pour sa dimension anthropologique très intéressante et cette mise en scène toujours plus impressionnante.


http://www.cineseries-mag.fr/z32-un-film-de-avi-mograbi-critique/

Créée

le 1 juin 2015

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