Oui, ce n'est pas bien de comparer un film à un autre. Disons que Zabriskie Point et Easy rider capturent ce même moment où les sixties se referment et où la seule chose à faire, c'est prendre sa moto/voiture/avion et traverser les paysages américains mythiques à la recherche d'un supplément d'âme. Mais l'heure du bilan approche inéluctablement.
La bande-son de Zabriskie Point est de Pink Floyd, entre autres. Du planant. La trame narrative est à la fois transparente et hachée. On aime ou pas. Deux êtres qui cherchent leur place se rencontrent, ont un échange puis se séparent.
Il y a du travail sur le montage et la bande-son pendant les scènes de conduite, pour montrer l'aspect agressif, inhumain de la civilisation industrielle (défilée d'enseignes industrielles surplombantes). Il y a aussi les plans des mégapoles américaines défigurées par les autoroutes, et vues d'avion, et la séquence où l'on voit la police travailler, qui donne l'impression de voir des fourmis se coordonner. Globalement, donc, le film fait le bilan sévère d'une civilisation industrielle qui ne donne pas de bonheur mais en vend beaucoup (le spot publicitaire immobilier).
Le montage est déroutant : la caméra est parfois délibérément brouillonne, parfois statique et très picturale. Les transitions sont volontairement déroutantes. Sur la fin, on retrouve le style d'Antonioni, ce goût pour les escaliers en colimaçon et les parois en verre, etc...
La scène de la rencontre entre Mark et Daria fait évidemment penser à celle de North by Northwest, et il y a un jeu sur les paysages américains mythiques. Ils sont comme une toile dans laquelle on peut disparaître mais dans laquelle il n'est pas possible de trouver sa place. La scène d'amour dans la Vallée de la mort, onirique, sonne comme un requiem des sixties.
Il y a quelques épisodes un peu tirés par les cheveux, après on retrouve le sens de l'absurde et la blasitude propre au cinéaste.
Zabriskie Point est un film mélancolique avec des éléments de road-movie des seventies, qui devance d'un an deux autres films emblématiques du genre : l'excellent Point limite zéro et le plus dispensable Macadam à deux voies. On y trouve un message politique un peu plus radical, même si l'espoir d'une révolution semble devenu illusoire. C'est le besoin de révolte de deux êtres jeunes, qui s'aiment dans un monde de plus en plus déshumanisé.
Synopsis
Une AG d'une université américaine noyautée par des étudiants noirs radicaux. Mark, un jeune homme s'en va, fatigué d'entendre des discours parlant de révolution sans effets. Il va payer la caution d'un ami en garde à vue suite aux manifestations, mais la police le booke aussi. Il sort, et va acheter des armes avec un ami. L'occupation du campus dégénère, un militant noir pacifique est tué : Mark pointe son révolver sur un policier, qui est tué ; il s'enfuit. Sans argent, affamé, il trouve accès à un aéroport. Il vole un petit avion rose, Lily 7, qui est prêt au décollage.
De son côté, Daria, la secrétaire d'un magnat de l'immobilier qui vend des parcelles dans le désert, prend la voiture de son patron pour le rejoindre à un meeting important avec des investisseurs. Elle se retrouve dans une petite ville-relais sur la route de Phoenix. Elle cherche Jimmy Patterson, qui a amené dans ce lieu oublié des dieux de petits sauvageons de LA. Elle reprend la route. Mark la repère en avion et s'amuse à la suivre. Il lâche un t-shirt rouge qu'elle garde avant de continuer sa route.
Elle voit l'avion posé, et ils font connaissance. Elle comprend qu'il est le fugitif. Ils vont dans la vallée de la mort. Ils ont envie de jouer, font une sorte de happening. Ils font l'amour, tous nus dans le sable. D'autres hippies semblent présents, allégorie de la fin des sixties. Une voiture de police arrive, il se cache dans des latrines publiques tandis qu'elle détourne l'attention du policier. Ils vont repeindre l'avion. Il décide d'aller le ramener à LA. De toute façon, il n'a pas tiré sur le policier.Mark atterrit, accueilli par la police. Un policier le tue. Daria l'apprend par la radio. Elle rejoint une luxueuse propriété sur les hauteurs, dominant le désert, où elle retrouve son patron et ses associés en pleine discussion. Encore bouleversée, elle sort et fait exploser dans sa tête la villa. On voit ensuite divers objets de la consommation de masse exploser. Puis on voit Daria partir en voiture dans le soleil couchant.