Oui, c'est d'abord et avant tout un film pour enfant. On ne trouvera sans doute pas dans Zarafa une double lecture qui pourrait combler autant les adultes que leur progéniture. Sans doute. Mais l'adulte féru d'histoire appréciera tout de même, malgré quelques erreurs ou choix des auteurs, un certains nombres d'éléments ou de détails historiques intéressants. Celui qui aime les paysages et les reconstitutions goûtera aussi les décors très variés. Et l'adulte qui a gardé une âme d'enfant pourra aussi savourer une histoire simple mais fort agréable à suivre. Bref, pour répondre à certaines critiques, c'est à l'évidence un film destiné aux enfants, mais le voir n'est pas non plus une torture pour des adultes qui pourront aussi y trouver leur compte.
Ca commence un peu comme les aventures de Kirikou, avec un grand-père qui raconte une histoire aux enfants du village. Il sort des petites figurines fabriquées par lui-même pour représenter les différents personnages. Mais ce n'est pas une histoire uniquement africaine, le thème est beaucoup plus large, même si une scène, celle où Maki se réfugie dans un baobab, n'est pas sans rappeler une scène de Kirikou (peut-être un clin d'œil à Michel Ocelot).
Zarafa évoque l'histoire de la girafe du même nom qui fut offerte à la fin des années 1820 par le gouverneur d'Egypte Mehmet Ali Pacha au roi de France Charles X. Le film raconte ainsi le parcours de cette girafe de l'Afrique subsaharienne à Paris, accompagnée notamment par Maki, enfant de 10 ans recherché par un vendeur d'esclaves, qui a promis de ramener Zarafa chez elle, Hassan le Touareg qui a capturé la girafe et qui est chargé de la conduire en France, ainsi que Malaterre, savant fou possesseur d'un ballon bien pratique pour traverser la Méditerranée. Les personnages ainsi que le voyage en ballon et de nombreux autres faits sont imaginaires, mais la girafe fut comme dans le film accompagnée de deux vaches, elle parcourut comme nos héros différentes villes et campagnes jusqu'à Paris, dont Marseille et son vieux port, Avignon qu'on reconnaît bien dans le film, les Alpes, Lyon, etc. Comme dans le film, la girafe, première de son espèce à mettre les pieds en France, devint une véritable attraction pour les Parisiens, les historiens parlent même de « girafomania », source de renouvellement par exemple dans le domaine de la mode.
Rémi Bezançon et Jean-Christophe Lie font ainsi voyager nos héros ainsi que le spectateur à travers de bien jolis paysages, africains, mais aussi français, paysages naturels ou urbains : savane, désert, Alpes, mais on voit aussi des monuments célèbres comme les grandes pyramides ou Notre Dame, de quoi émerveiller plus d'un enfant ! Sans parler des adultes qui apprécieront la qualité de la représentation des villes, notamment le port de Marseille ou le vieux Paris : les dessins sont précis et reconstituent plutôt bien la réalité des villes de l'époque. On voit qu'il y a eu un gros travail de documentation. En tout cas, ce film est très agréable à regarder, on n'est pas dans la 3D mais des dessins à l'ancienne, les couleurs sont très variées, selon les lieux et climats, c'est vraiment un régal pour les yeux.
A noter, sur le plan graphique, sans parler de l'utilisation ponctuelle de l'aquarelle, des dessins qui peuvent être assez différents selon les personnages : la plupart sont de facture assez classique, rappelant un peu ce qu'on voit chez Disney, tandis que Charles X est caricaturé et que pour Hassan ou Bouboulina on utilise un style plus moderne, pas forcément éloigné de ce qu'on trouve par exemple chez Sfar.
Les personnages rencontrés sont aussi très variés, du touareg au roi de France Charles X, de l'aéronaute à l'esclavagiste, du marchand arabe au savant Geoffroy Saint Hilaire.
Le scenario est assez simple et ne comporte pas de grande surprise, le thème principal étant l'histoire d'un enfant qui doit se débattre face à des adultes aux intentions diverses mais pas toujours aussi généreuses que ne le souhaiterait son âme pure, un enfant qui cherche avant tout à tenir sa promesse envers une girafe pour qui il ressent très vite une grande tendresse.
Il est vrai que les auteurs prennent quelques libertés avec la vérité historique, les personnages rencontrant par exemple la Bouboulina, héroïne de la rébellion grecque mais disparue depuis 1825, présentée ici comme une pirate, ce qui assurément, passe mieux avec les enfants, mais globalement, ce qui est présenté est assez juste. Les puristes y trouveront toujours quelque chose à redire mais il ne faut pas oublier qu'il ne s'agit pas ici d'un documentaire historique !
Bref, un film fort agréable devant lequel grands et petits passeront un bon moment.