Requiem pour une fusillade
Décidément, la tristement célèbre fusillade de Columbine aura fait couler beaucoup d’encre mais aussi dérouler quelques pellicules. Plus ou moins soignées. Avec Zero Day, on est loin de l’exercice de style d’un Gus Van Sant qui ratissait les couloirs d’un lycée ordinaire, un jour pas ordinaire. Ici, on s’intéresse surtout au pré-évènement, à l’élaboration du plan, au comment arrive-t-on finalement à ce « zero day » ? Tourné avec un budget très réduit, Ben Coccio a opté pour le système du film amateur. Deux acteurs, une caméra, zéro budget pour un Deux jeunes, une école, zéro day ! La formule marche, il n’y a rien à reprocher à ce niveau là. En adoptant un tel format, le réalisateur s’autorise une proximité avec ses personnages et un réalisme rare. De quoi faire froid dans le dos au moment d’arriver à l’acte final une fois que l’on s’est finalement aperçu que ces deux jeunes adolescents n’ont rien des cas sociaux que l’on pourrait se figurer quand l’on pense à un évènement tragique comme Columbine. Finalement, c’est ce qui dérange le plus avec ce Zero Day, c’est qu’on ne saurait deviner l’approche d’un tel carnage tant le duo évolue en sous-marin, immergé dans une société où l’on sait s’accommoder d’une arme à feu comme d’un animal de compagnie. Phénomène insondable, phénomène meurtrier. Très largement inspiré des préparatifs des deux tueurs à l’origine du massacre de Columbine, le film retrace cette histoire avec une véridicité quasi-documentaire. C’est sans nul doute sa plus grande force. Derrière cette apparente normalité se cache, en effet, deux êtres complexes qu’il nous est difficile de cerner complètement. Le mal vient d’ailleurs. Et ce n’est pas un film qui saura nous l’expliquer. Pièce maîtresse d’un labyrinthe à l’issue meurtrière, cela reste un témoignage fracassant de cette envie bien établie d’aboutir à l’acte ultime et en cela le film est glaçant mais intéressant même s’il ne nous apprend finalement pas grand chose. C’est donc le qualificatif que j’utiliserai pour parler de ce Zero Day. Intéressant. Car il faut reconnaître que d’un point de vue purement cinématographique, ce n’est pas vraiment consistant même si la mise en scène est là pour servir l‘ambiance et le côté film amateur. Au moins, le réalisateur a joué cette carte jusqu’au bout et ne se perd pas, le cul entre deux chaises. Après, le film ne m’enchante pas des masses, c’est difficile pour moi de situer cette œuvre aux côtés d’autres plus ambitieuses sur le plan de la mise en scène, de la photographie. Copie quasi conforme d’une réalité qui dérange, le film de Ben Coccio n’est pas vain et certainement pas sans mérite mais il ne restera pas dans mon esprit comme un moment de cinéma essentiel.