Je pense qu'on peut m'accuser de ne pas être objectif face à Terry Gilliam et à son nouveau film. Ben vous savez quoi, l'objectivité, je l'emmerde! Les acteurs sont excellents (Christoph Watlz est carrément époustouflant), la réalisation de Gilliam au taquet, le scénario, profond comme une chute sans fin!
Ce film est intriguant, bizarre, bordélique, frappadingue, qualifiez le comme bon vous semble, mais il n'est surement pas raté.
Gilliam est un immense réalisateur, et ce que j'apprécie, c'est que chacun de ses films ne peut vraiment être saisi qu'en regardant sa place dans l'ensemble de l’œuvre du plus visuel des Python. C'est comme des tas de peintures n'ayant aucun rapport les unes avec les autres qui lorsqu'on les assemble et qu'on les regarde en prenant du recul forment une nouvelle image.
La plupart des gens ont parfaitement raison de comparer Brazil et The Zero Theorem, mais je crois, pour de mauvaises raisons, car les deux films se ressemblent assez peu en dehors d'évoluer dans un univers dystopique assez différent l'un de l'autre, et d'une technologie rétro analogue. C'est tant mieux, parce que je n'imagine même pas ce que Gilliam aurait ramassé si le film avait vraiment ressemblé à Brazil!
Brazil est une dystopie Orwellienne sur l'administration toute puissante qui broie l'homme et que seul les rêves peuvent sauver quand bien même ils ne sont qu'illusions. Brazil est une comédie noire sur une humanité captive d'une autorité toute puissante et centralisée.
The zero théorem est une dystopie sur un monde totalement chaotique, ou les rêves ne sont devenu qu'une prolongation électronique de l'enfermement généralisé et auto-infligé qui relève moins de Orwell que de John Brunner, l'auteur de Tous à Zanzibar.
Oui, le film est foutraque, et je pense que c'est totalement voulu par Terry pour renvoyer dos à dos la forme et le fond de son récit. Management n'est qu'une image pour exprimer un maitre à la fois partout et nulle part; caché dans la publicité, le travail, et jusque dans l'amour. Le grand maitre de notre siècle de la course à la performance et à l’efficacité. Ce grand trou noir ou comme dans la nature ne subsiste que l'information après que toute substance ait été annihilée. Lorsque dans un invraisemblable pied de nez oxymorique, Gilliam déclare que zéro doit être égal à 100%, il se moque un peu de notre société ou toute cette efficacité nous fait tendre vers le grand rien. The Zero Theorem est un drame avec de très légers aspects relevant de la comédie.
La suite logique des films de Gilliam pour comprendre Zero Theorem n'est pas le triptyque Brazil=> Twelve Monkeys=>The Zero Theorem. Ils ont des points communs nombreux, et leur univers respectif qui relèvent de la dystopie fait le lien en tous ces films, je ne le nie pas, ce serait aller contre l'évidence, d'autant que Gilliam considère ces trois films comme faisant partie de sa "trilogie Orwellienne"
Néanmoins, j'ai un autre schéma pour comprendre ou se situe le dernier Gilliam dans son oeuvre qui est le suivant: Brazil=> Tide Land=> The Zero Theorem.
Tide Land est de l'autre coté du miroir de Brazil. Les deux films s'opposent en presque tout comme une sorte de thèse/antithèse. Un environnement Urbain face à un environnement rural, des rêves qui permettent de s'élever hors de sa condition face à des rêves tournant au cauchemar. Une normalité absolue érigée en dogme chez tous les protagonistes face à une anormalité de l'ensemble des personnes évoluant dans Tide Land, un adulte faisant des rêves d'enfant et de super-héros face à une enfant qui fait des rêves d'adulte,... (pour ceux que ça intéresse voilà ce que je pense de Tide Land: http://www.senscritique.com/film/Tideland/critique/7405206). C'est donc un Gilliam encore plus vieilli, encore plus revenu de ses illusions de jeunesse, déjà peu nombreuses lorsqu'il réalisait des films comme Brazil ou Munchausen, qui réalise The Zero Theorem, un film désespéré, presque nihiliste, ou la révolte de l'individu représentée par la révolte de Qohen face à Management, et le débranchement des machines, ne peut mener nulle part, la machine se rebranchera d'elle même. Le système parfait, tellement chaotique que plus rien n'a de prise sur lui et qui s'auto-alimente sans plus avoir besoin d'un maitre quelconque pour mener la danse.Un film ou tout tend vers le zéro. Un film qui dit qu'il n'y a plus rien à dire, plus rien à faire, plus rien à aimer, plus rien à rêver.Tout a été récupéré par le grand chaos. Il ne reste à l'adulte qu'à redevenir un enfant et puis à jouer avec le soleil.
Ce que je raconte dans cette critique n'est sans doute pas très clair, ni ne revêt beaucoup d’intérêt , car j'essaye péniblement de mettre des mots pour défendre mon amour d'un film assez peu apprécié. En fait, on s'en balance de toutes mes interprétations fumeuses. La seule vérité, c'est que ce film est comme la vie, inexplicable, et qu'il m'a profondément touché, et que comme avec la vie lorsque je l'observe dans toute sa complexité bordélique, j'ai fini le film les larmes aux yeux et un sourire aux lèvres.