"Zone rouge" fait partie de ces films vus il y a une trentaine d'années sur le téléviseur familial, dont je ne conservais que des souvenirs flous et diffus. Ce deuxième visionnage représentait donc une redécouverte totale.
Robert Enrico a le mérite de se frotter à un genre peu répandu dans le cinéma français, à savoir le thriller écologique, reprenant au passage certains motifs de son précédent thriller conspirationniste (comme la figure de l'individu seul face à la machine d'Etat), intitulé "Le secret" et sorti une dizaine d'années plus tôt.
Cela dit, si ce dernier s'inscrivait avantageusement dans la veine paranoïaque très en vogue dans les seventies, "Zone rouge" souffre davantage dans le registre de la vraisemblance, car les années 80 ont fini par digérer ces thèses, au point que la théorie du complot avancée dans le film apparaît parfois excessive, voire grand-guignolesque.
"Zone rouge" souffre également d'un rythme trop nonchalant, difficilement compatible avec le genre thriller : on ressent des longueurs à plusieurs reprises. Enrico aurait sans doute gagné à densifier son montage, de manière à élaguer son film d'une bonne dizaine de minutes.
Pour finir sur les défauts, signalons la prestation moyenne de Richard Anconina, pas toujours convaincant dans un rôle il est vrai assez mal écrit : ainsi, on ne comprend pas bien l'évolution de cet employé dragueur et cupide vers le statut de justicier, uniquement pour les beaux yeux de Sabine Azéma.
Heureusement, cette dernière se montre à son avantage, dans un registre pas évident : Azéma n'est pourtant pas une comédienne que j'apprécie en général, mais ici sa composition s'avère probante.
"Zone rouge" est également réussi sur le plan des décors (en particulier ce hameau isolé dans l'Hérault) et de son atmosphère anxiogène : à plusieurs reprises, le réalisateur parvient à installer une vraie tension et une ambiance inquiétante, et à mettre en scène quelques séquences visuellement bluffantes (à commencer par la scène de l'incendie, traversée par des ombres blanches en combinaison isotherme, mais aussi celle de l'accident dans le brouillard nocturne).
Robert Enrico signe donc un film audacieux et parfois spectaculaire, développant des thématiques pertinentes autour de l'écologie avec un certain sens de l'anticipation, mais hélas trop bancal et inégal pour convaincre pleinement, plombé par quelques maladresses et invraisemblances.