La télévision, le cinéma, la presse écrite et la mode. En 7 longs métrages, Ben Stiller réalisateur aura donc passé en revue les métronomes de notre quotidien. Si l’on s’attarde un peu plus sur cette filmographie, on trouve d’autres constantes : Justin Theroux, Owen Wilson sont souvent associés à la fabrication de ces films, tout comme ce sens de l’humour maniant absurde, régression et ironie. La notoriété aidant, on pourrait y ajouter cet art du cameo qui va de l’accessoire, au superflu en passant par la private joke et le sens "caché".


A l’opposé d’un Adam Sandler (pourtant générateur de rire –facile- pour moi), Ben Stiller a bien circonscrit l’essence de son "jeu" : du déjanté, du visuel, un phrasé décalé, du gore. Mais plutôt que de le décliner jusqu’à l’éculer, Ben Stiller s’est étoffé. C’est ce qui divise, fait déchanter ou réhabilite l’acteur devenu réalisateur. Dès Tropic Thunder, le rythme du film comme l’attitude de l’ensemble du casting transpirait ce souhait : un contre-pied parfait, une déconnexion pas si vaine et un parti-pris assumé jusqu’au bout. Walter Mitty va dans le même sens. Rire oui mais avec cette poésie, ce lyrisme, cette juxtaposition entre un loser lunaire et une industrie qui "broie" et (re) fabrique une certaine réalité.


Zoolander 2 s’inscrit donc dans cette "progression". Et d’y remarquer combien Ben Stiller valorise Rome avec sa caméra. Pas que pour déplacer l’intrigue mais pour mieux en exciper l’architecture et son lien avec le beau (motto travesti par l’industrie de la mode). Bien sûr on n’échappe pas au stupide stillerien : une prison haute sécurité pour criminels de la mode en forme de dé, un Fred Armisen greffé sur un pré-puber de 12 ans…oui mais il se dégage de ce long-métrage cette impression de mieux cadrer cette créativité. Point de folie maîtrisée juste ce soin de l’à-propos.


Il y a chez Zoolander, un peu (beaucoup) de Ben Stiller. Soit un personnage résumé assez simplement : beau (pour Derek) et rigolo (pour Ben). Allez savoir si au fond ça n’est pas le contraire. Toujours est-il que même si la réponse est d’un banal universalisme, la (que)quête de Derek vaut le coup d’être suivie. Car elle est mordante, cynique, paillarde, superficielle, bref une certaine idée et personnification du monde de la mode.


L’ironie et le regard de Ben Stiller malmènent donc l’obsolescence non plus programmée mais déraisonnée de l’industrie de la mode. Cette instabilité à couronner et/puis/ou (rayer la mention inutile) à crucifier ce qu’elle a instantanément adoubée, Ben Stiller ne la dénonce ni ne s’en moque gratuitement. Il en saisit la mutation grâce notamment aux réseaux sociaux et autres canaux amplificateur de réputation. Certes, les multiples cameos dans ce film frisent le WTF. Mais n’est-ce-pas au fond l’un des attributs de cette industrie ? Celle d’abord d’évoquer, au moment de narrer un défilé, les personnalités présentes plus que les pièces présentées. Celle qui génère ce complexe de par la multitude de comptes (Instagram, Twitter & Vine) s’arrogeant le titre d’influenceur à coup de selfie avec ces guests, géolocalisation dans des lieux "qui vendent du rêve". Ben Stiller ne fait pas le procès de ce système. Il s’en amuse jusqu’à l’exagération. Avec toujours ce soin de jongler entre ce qui a fait sa marque de fabrique et cette fraîcheur dans la démonstration du caractère ridicule d’une situation.


La mode, le cinéma, la télévision et la presse écrite. Des cirques, des barnums dont Ben Stiller auraient pu dénoncer la vacuité, l’injustice et la cruauté. La démarche du New-Yorkais invite au contre-pied : on y décèle plutôt de la dérision, de l’absurdité (confrontée à une certaine forme d’absurdité), le détournement des codes…un manque d’ambition diront certains. Un déni de ce qui a fait son succès passé pour d’autres. Mais très certainement une sacrée manière de se réinventer, de se définir et d’exorciser d’une certaine manière des démons passés. Un refus donc de la facilité, de s’engoncer et une recherche perpétuelle de faire rire autrement.

RaZom
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le 7 mars 2016

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